(Même les membres de sa cour ont regretté ses paroles)
À grand pouvoir, grande responsabilité, dit-on. Et certaines hypocrisies sont parfois indiquées pour permettre aux princes d’apaiser la cité. Le « monsieur le président Boni Yayi, je vous avais déjà dit que je ne compte pas gracier Madougou » du président Patrice Talon est une très mauvaise communication.
Le président Talon aurait mieux fait en maquillant un peu sa position comme il est exigé aux grands hommes et aux hommes d’État. Et Boni Yayi de lui répondre : « je demande pardon au nom de Réckya Madougou ». La campagne du parti LD vient d’être lancée de ce pas par le président Talon lui-même. Car Yayi, cette fois-ci plus inspiré a récupéré la faute de son interlocuteur en la positivant pour son parti.
Les Béninois ont une sainte horreur de la mentalité du non au pardon. Ils estiment que Dieu lui-même pardonne et que c’est bien ce même pardon qui nous a donné la chance du développeur Talon au pouvoir. Du coup, leur adhésion à notre identité d’être toujours du côté des plus faibles, des victimes, va sceller le sort de la Rupture aux élections générales de 2026.
Plus grave, et on se demande qui a bien pu conseiller le président Talon à tenir ces propos, sa philosophie contre le pardon en le présentant devant Yayi comme une erreur. Les Béninois vont non seulement méconnaître leur champion et vont à coup sûr se préparer pour lui faire regretter une telle déclaration. Dans ces conditions, les Démocrates n’auront même plus besoin d’une révision de la liste électorale ou d’une prise d’assaut des instances faîtières de l’organisation des élections, pour faire mouche en 2026. Ils auront le loisir et la facilité de présenter le président Talon et son camp comme des hommes qui n’ont aucun sens du pardon avec une foi inébranlable à la vengeance. Tout ce qu’il ne faut pas sentir au Bénin quand on est dans une dynamique de mobiliser les voix de nos compatriotes.
Ce n’est pas sûr que les probables candidats, Joseph Djogbénou, Olivier Boko, Romuald Wadagni et Johannès Dagnon approuvent ce qui vient de sortir de la bouche de leur leader. Et s’il advenait même que par une hypocrisie basée sur la peur, ils se montraient solidaires au chef, on se demande devant quel électorat, ils iront tenir ce discours de l’hostilité au pardon, à la clémence et au retour des exilés. Ce sera un saut dans le vide que d’oser s’approprier la position de leur leader qui insiste qu’il ne compte pas gracier un prisonnier politique ou soutenir la démarche d’une amnistie.
L’un dans l’autre et pour curieux que cela puisse paraître, c’est Réckya Madougou qui sort grandie des propos tenus par le président Talon. Plus que jamais, les Béninois vont apporter par tous les moyens, leur soutien indéfectible à une femme qui aura si tant troublé le sommeil du grand Talon pour le pousser à tenir ces propos qui plombent toutes les chances de victoire de son clan à la présidentielle prochaine.
Il sera dorénavant très facile pour les Béninois de se réclamer publiquement de Réckya Madougou et par ricochet du parti LD. Comme l’a dit Karl Marx dans le Manifeste du parti communiste, dans des conditions déterminées, tout phénomène tend vers son propre contraire. Ça craint maintenant pour la sympathie dont le président Talon a besoin pour rêver de se faire succéder par un homme de son camp.
À moins que le président Talon ait un autre plan : réussir une ALTERNANCE en aidant un opposant qu’il aura choisi lui-même. Et ce sera un autre coup.
Aboubakar TAKOU
