(Une intrusion qui ne fait qu’ajouter du bruit à la cacophonie)
L’activiste panafricaniste Kémi Séba est une nouvelle fois monté au créneau sur les réseaux sociaux, dans une vidéo TikTok devenue virale, pour commenter la crise des parrainages au sein du parti Les Démocrates (LD). Sous des airs de donneur de leçons, il somme Michel Sodjinou de « rendre son parrainage » dans un délai de 24 à 72 heures, sous peine de voir « l’étape Jéricho » se déclencher. Mais au-delà des effets dramatiques et des menaces à peine voilées, une question fondamentale se pose : de quoi se mêle Kémi Séba, et quel est le véritable objectif de cette intrusion médiatique ?
La sortie de Kémi Séba est d’abord frappante par son timing. Alors que le parti Les Démocrates traverse une crise interne profonde – des dissensions idéologiques, des luttes de leadership et des ambitions personnelles –, l’activiste, qui affirme lui-même « ne pas être LD », choisit ce moment de fragilité pour s’ériger en juge et en partie. Dans sa longue diatribe, il avoue avoir été contacté par des responsables du parti, et même s’être vu proposer une « collaboration ». On peut légitimement s’interroger : cette soudaine sollicitude pour les Démocrates, n’est-elle pas le signe d’une ambition personnelle contrariée ?
Le discours de Séba est un mélange déroutant de menaces apocalyptiques – il promet un « feu sacrificateur » si l’opposition n’est pas autorisée à se présenter – et de leçons de moralité adressées à des acteurs politiques qu’il méprise par ailleurs. Il dénonce une classe politique qu’il qualifie de « boutiquiers » sans idéologie, mais son propre interventionnisme relève davantage du coup d’éclat médiatique que d’une stratégie politique construite.
À force de « OHBA OHBA », pour reprendre les mots de Tiken Jah Fakoly, Kémi Séba tend à dévoyer la lutte panafricaniste en un spectacle verbal où les posts viraux remplacent le travail de fond que faisaient les véritables pères fondateurs du panafricanisme. Son ultimatum théâtral à Sodjinou, s’il génère des vues, ne résout en rien la crise structurelle de l’opposition béninoise.
Le positionnement de Séba est pour le moins ambigu. D’un côté, il affiche sa proximité avec LD qu’il juge « toujours préférable aux cafards du pouvoir ». De l’autre, il ne rate pas une occasion de rappeler qu’il n’en est pas membre et que leur idéologie ne le convainc pas. Cette distance calculée lui permet de critiquer sans responsabilité et d’intervenir sans avoir à rendre de comptes. C’est le confort de l’agitateur extérieur qui peut tout se permettre, contrairement aux acteurs politiques engagés dans le processus institutionnel.
Pire, en présentant la candidature des Démocrates comme une simple « option légale » destinée à canaliser l’espoir « naïf » du peuple, il révèle son profond mépris pour le processus démocratique. Pour lui, les élections ne seraient qu’un leurre, la « vraie » solution étant dans la rue. Une position qui frise l’irresponsabilité dans un contexte déjà tendu.
Le faux prophète et la crise réelle
L’affaire Sodjinou met en lumière les dérives d’un personnalisme politique qui parasite le débat public. Tandis que Les Démocrates doivent urgemment résoudre leurs contradictions internes – entre ambitions personnelles, absence de ligne idéologique claire et gestion hasardeuse des candidatures –, l’intrusion de Kémi Séba ne fait qu’ajouter du bruit à la cacophonie.
La question n’est pas de savoir si Michel Sodjinou donnera son parrainage sous la menace, mais pourquoi un parti se retrouve à la merci de tels chantages extérieurs. Le véritable enjeu pour l’opposition béninoise n’est pas dans les ultimatums spectaculaires, mais dans la reconstruction patiente d’un projet crédible et uni. Kémi Séba, lui, ferait mieux de se mêler de ses propres combats, au lieu de jouer les pyromanes dans une maison déjà en feu.
WM
