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Politique

Bénin : Réckya Madougou interpelle Talon sur les dangers des stigmatisations religieuses et ethniques

« … Vous m’avez déjà tout fait subir, privée de tout. La seule chose qu’il vous reste à faire, c’est m’ôter la vie. » Dit-elle.

« … J’attire votre attention sur les dangers de certaines décisions bien curieuses. » A dit Réckya MADOUGOU dans une tribune depuis sa prise de Missérété le 26 février 2023 où elle tient à attirer l’attention les uns et les autres sur les dangers des stigmatisations religieuses et ethniques sur le président Patrice Talon. Car de tout temps, la question de religions et d’ethnies est toujours un sujet très sensible sur laquelle il ne faut pas trop tirer pour éviter d’allumer les braises d’un incendie qu’on ne pourra pas contenir.

Selon la pensionnaire de Missérété, « les réformes visant donc à réguler un secteur aussi sensible que celui de la pratique des religions et cultes, dans un pays déjà engagé dans une lutte antiterroriste, doivent prendre en compte tous les paramètres socio-culturels ainsi que sécuritaires. » c’est pourquoi elle poursuit en ces termes : « Nous devons à tout prix éviter d’entretenir un contexte délétère où des amalgames et autres récupérations préjudiciables à la paix sociale peuvent servir de terreau aux ennemis de la quiétude et autres fondamentalistes djihadistes qui ont juré de semer la désolation dans nos familles en s’attaquant à nos forces de défense et de sécurité sur toute l’étendue du territoire. Ayons à l’esprit que pour moins que cela, dans certains pays, des terroristes ont pris pour prétexte des décisions officielles – justifiées ou non – à l’encontre de communautés musulmanes, pour y lancer des assauts. »

Lire ci-dessous l’intégralité de cette tribune qui évoque aussi la question des Peulhs.

LIBRE TRIBUNE

À notre conscience collective :

Attention aux dangers des stigmatisations religieuses et ethniques

« La République du Bénin est une et indivisible, laïque et démocratique ».

Cette disposition prévue à l’article 2 de la constitution du 11 décembre 1990 renvoie au triptyque unité nationale- laïcité-démocratie.

Le constituant a donc fait du socle de la paix sociale, la liberté de religion et l’obligation pour l’Etat de ne privilégier aucune religion par rapport à une autre.

La paix sociale ne repose donc pas exclusivement sur la démocratie qui malheureusement depuis 2016 est sous assistance respiratoire eu égard aux multiples lois liberticides qui se sont succédées. Des lois iniques qui ont eu pour corollaire de contraindre plusieurs centaines de fils et filles du pays à prendre le chemin pénible de l’exil et pour nous autres qui avons résisté à l’exil, c’est le chemin de la détention arbitraire, notre chemin de croix sur fond de torture multiforme permanente.

Pour ainsi dire, la paix sociale est également garantie par la liberté de culte sans discrimination aucune et par le respect de la pratique des religions révélées plus que millénaires.

Il n’existe pas au Bénin une seule famille sans un parent, un cousin, une nièce, un frère, une tante… musulman ou chrétien.

Les réformes visant donc à réguler un secteur aussi sensible que celui de la pratique des religions et cultes, dans un pays déjà engagé dans une lutte antiterroriste, doivent prendre en compte tous les paramètres socio-culturels ainsi que sécuritaires.

Nous devons à tout prix éviter d’entretenir un contexte délétère où des amalgames et autres récupérations préjudiciables à la paix sociale peuvent servir de terreau aux ennemis de la quiétude et autres fondamentalistes djihadistes qui ont juré de semer la désolation dans nos familles en s’attaquant à nos forces de défense et de sécurité sur toute l’étendue du territoire. Ayons à l’esprit que pour moins que cela, dans certains pays, des terroristes ont pris pour prétexte des décisions officielles – justifiées ou non – à l’encontre de communautés musulmanes, pour y lancer des assauts.

S’il est nécessaire de mener une réforme contre la pollution sonore pour empêcher les désagréments que subissent les populations, cela ne doit pas conduire les autorités politiques à mépriser les religions révélées en leur interdisant de faire des appels sonores à la prière à des heures qui sont ancrées dans nos habitudes depuis des siècles, que ce soit chez les musulmans ou les chrétiens catholiques. Dieu, Allah Le Tout-Puissant, le Très Miséricordieux, mérite de notre part meilleur égard, même si aujourd’hui nous sommes puissants au point de n’avoir plus d’intérêt même pour les vies humaines.

C’est ce même Dieu qui confère l’autorité et sait la rappeler à notre souvenir en temps opportun. C’est ce même Dieu qui a créé Pharaon, ce super monarque de l’Égypte biblique et coranique. Pharaon (Firwa’n dans le Saint Coran) était fort, super fort, tout le monde lui était soumis. L’idolâtrie battait son plein dans ce pays en ces temps-là. Pharaon avait tous les grands magiciens et idolâtres à sa botte pour lui donner l’illusion d’être en mesure de lui produire des miracles comme Notre Père céleste. Le Saint Coran et La Sainte Bible nous apprennent qu’un jour, Le Créateur, excédé, envoie Moïse (Moussa) vers sa créature lui demandant de libérer le peuple élu de Dieu afin qu’il aille Le servir Lui Son Dieu unique. Mais le cœur de Pharaon a été endurci pour résister à Dieu, selon ses propres penchants hégémoniques et son inhumanité. Pharaon n’avait pas l’esprit de soumission à Dieu Son Créateur. Il n’avait que cure de la crainte de Dieu.

Cependant, un beau jour, au firmament de l’ultime blasphème, Dieu s’est levé sur Pharaon et ses suppôts. Leur puissance militaire n’aura guère pu les préserver de la colère divine, démontrant ainsi que le pouvoir appartient à Dieu aussi sur la terre et que tout est appelé à expirer. Pour ceux qui ignorent la suite inspirante de ce récit aussi célèbre qu’édifiant des Écritures Saintes, je vous exhorte vivement à le lire. Cela nous rappelle qu’il n’y a pas plus fort que le Dieu d’Abraham (Ibrahim), de Jacob (Yacoub), d’Isaac (Ishaq), d’Ismael, de Joseph (Youssef), de Daniel (Daniyal ou Danialou), de David (Daoud ou Daouda), de Salomon (Souleyman), de Jonas (Younous)…de chacun d’entre nous.

La déférence que nous devons donc TOUS à ce DIEU, Maître de notre souffle, nous interdit de loger à la même enseigne, dans une démarche de régulation sonore, les lieux de culte ou de prière et les débits de boissons et autres bars qui polluent dans presque tous les coins de rue du pays.

Les appels sonores aux prières de nos mosquées et églises n’ont jamais été la cause des véritables pollutions sonores au Bénin. D’une part lesdits appels sonores religieux à la prière sont de courtes durées. D’autre part ils sont de nature à rappeler, aux citoyens croyants des environs, les moments d’oraison, moments de lumière très utiles pour le salut de tous.

Le décret 2022- 301 du 25 mai 2022 est une forme d’empiétement au libre exercice de la liberté de culte et de religion dont les religions musulmane et catholique sont les principales victimes. Les appels sonores à la prière n’empêchent pourtant nullement l’exercice d’autres cultes religieux. Il faut craindre que la volonté des autorités à réformer à tout va et tous azimuts, avec la fragile cohésion sociale actuelle, ne débouche sur la stigmatisation de communautés religieuses et ethniques.

À propos de stigmatisation, dans un article paru le 27 janvier 2023 dans le journal international ´´ Monde Afrique ´´, le journaliste Pierre Lepidi tirait la sonnette d’alarme sur la réponse apportée par le gouvernement béninois à la menace terroriste et qui risque de se transformer en une stigmatisation accrue de l’ethnie Peuhl du Bénin. Le journaliste, à la suite d’investigations, affirme que ce peuple d’éleveurs connus pour leurs activités nomades perpétuelles, a été massivement ciblé par les forces de sécurité.

Si le danger est effectivement réel au regard des attaques successives venant de groupe extrémistes, un danger encore plus grand plane sur la cohésion sociale du Bénin à travers la stigmatisation des populations du septentrion, notamment Peuhls qui sont soupçonnées à tort ou à raison d’appartenance à des cellules terroristes.

On dénombre dans les prisons du Bénin, surtout à la prison civile de Missérété, plusieurs centaines de détenus Peuhls poursuivis pour terrorisme et en attente de jugement. Mais curieusement il se trouve qu’aucun débat public n’a été ouvert sur cette question qui est celle de savoir ce qui justifie la multiplication des arrestations des membres de cette communauté sur la base de simples dénonciation ou même de simples préjugés avec parfois des histoires de rapts de Peuhl à la fois anecdotiques et pathétiques.

Je crains là également que cette politique d’arrestation massive ciblée contre cette communauté ne fasse le lit aux extrémistes, lesquels pourraient s’en prévaloir pour justifier un « jihad » contre nos forces de sécurité et aussi contre les autres communautés.

Les réponses aux conflits éleveurs et agriculteurs qui opposent les Peulhs aux communautés depuis des décennies doivent plutôt viser une réforme ou révision du code foncier avec une bonne dose de sensibilisation en amont et d’accompagnement des populations concernées. Une politique répressive ciblée contre les Peuhls n’aura pour autre conséquence que d’éroder davantage l’unité nationale déjà mise à mal au regard de la localisation régionaliste septentrionale de l’extrême majorité des détenus politiques.

Chaque semaine qui passe sont dénombrés des décès malheureux parmi ces Peuhls dans nos prisons en raison des conditions inhumaines de leur détention.

À défaut de les juger dans les délais légaux, il est de l’obligation de l’Etat de veiller à ce qu’ils soient traités avec dignité et humanité. Il est de la responsabilité de la classe politique toute entière de se préoccuper du sort réservé à cette communauté ethnique de notre pays qui est visiblement stigmatisée dans le cadre de la réponse apportée par l’Etat aux attaques terroristes minant notre sécurité collective.

Dans le même registre, je viens regretter l’arrestation à Parakou de monsieur Alpha Kabirou, prédicateur, leader d’opinion, pour sa présumée opposition à la décision d’interdiction de l’usage des microphones dans les mosquées, selon les informations qui m’ont été rapportées dans la journée du dimanche par mes avocats.

Tout ceci contribue malheureusement à la destruction du vivre ensemble car en rapport avec des questions religieuses sensibles devant être traitées avec prudence. J’invite les Imams du Bénin et tous les acteurs politiques de toutes obédiences confondues à plaider sa cause auprès des autorités politiques et judiciaires afin qu’il soit remis en liberté. Aussi est-il nécessaire de sensibiliser nos populations pour privilégier le dialogue et la cohésion sociale en toute circonstance

J’ai moi-même conscience qu’après avoir opiné à l’encontre de certains intérêts, vous me soumettrez encore à d’autres représailles dans les geôles comme à l’accoutumée. Mais comme je l’ai dit à ceux qui m’oppriment ici selon vos ordres, vous m’avez déjà tout fait subir, privée de tout. La seule chose qu’il vous reste à faire, c’est m’ôter la vie. Heureusement que pour ce faire, Seul Mon Créateur peut décider du moment et du comment. Je reste donc stoïque dans ma douleur par la Main Puissante qui me couvre et j’attire votre attention sur les dangers de certaines décisions bien curieuses.

Comme apparaît toujours un éclairci dans tout ciel obscur, le présent temps de carême chrétien coïncide curieusement avec une importante période de jeûne surérogatoire pour les musulmans. Il s’agit du mois de Chaabane, le huitième du calendrier musulman, mois au cours duquel le Prophète Mahomet (saw) jeûnait le plus en préparation du Ramadan. Ce temps spécial de communion avec Dieu aussi bien chez les chrétiens et les musulmans est donc par excellence favorable à l’introspection, l’humiliation de la chair, la méditation, l’amour de Dieu et du prochain, le pardon, l’imploration de la justice divine à défaut de la justice humaine et la réconciliation.

Puisse Dieu éclairer les autorités et nous bénir tous dans la prière.

#ToutExpire

Reckya MADOUGOU

Missérété le 26 février 2023

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