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Chronique

Tribune de Éric Tchiakpe : Homosexualité et polygamie vues d’Afrique

En France, la polygamie est un délit, en Angleterre, elle est interdite. En Belgique depuis 2003, le mariage entre personnes de même sexe est légal et régulièrement célébré.

Aux Etats-Unis, plusieurs Etats autorisent le mariage homosexuel, en Australie également. Bref en Occident le mariage homosexuel est un fait toléré sur lequel généralement, il existe une législation qui approuve. A contrario dans cette partie du monde, la polygamie est perçue comme un délit, une infraction à la loi, un fait répréhensible et parfois même vigoureusement combattue. Chez nous, africains, la polygamie est plus que tolérée, dans plusieurs pays, elle est même légale. Même si, au Bénin, sur le papier depuis 2004, c’est une pratique interdite, on ne comprend d’ailleurs pas pourquoi, puisque la polygamie se vit comme un sport national. Le nom change peut-être, mais la réalité est la même. Un homme en fonction de l’âge et de sa position sociale a, ou fini par avoir, plus d’une partenaire de vie amoureuse. On notera pour faire simple, qu’en Afrique subsaharienne, il est loisible de contracter un mariage sous le régime de la polygamie dans plusieurs pays ; Sénégal, Mali, Niger, Cameroun, Gabon… Pour ne citer que ceux-là. Par contre, l’homosexualité est difficilement acceptée, elle est ouvertement reprouvée, combattue et plusieurs législations l’ont inscrite comme un délit passible de peines d’emprisonnement. Perçue comme une pratique sexuelle contre-nature et abjecte, elle est dans certaines régions d’Afrique subsaharienne violemment rejetée et les personnes qui l’a pratiquent en plus de s’exposer à la rigueur de la loi courent constamment le risque de se faire agresser voir lyncher. Pour autant, peut-on prétendre, qu’il n’y a-t-il pas d’homosexuel en Afrique ? Non, assurément non. Mais ceux-ci préfèrent généralement vivre cloisonnés dans un univers underground plutôt que d’adopter des attitudes ostentatoires du genre Gay pride.

Voici donc en face deux visions du monde qui s’affrontent. De façon caricaturale, nous dirons que l’une milite pour plus de liberté individuelle et a pour intérêt l’épanouissement de la personne en tant qu’individu. Et l’autre milite pour que l’individu s’épanouisse certes, mais au sein du groupe en évitant d’impacter négativement le reste de la communauté par ses choix.

Pour traduire mon idée, je dirai qu’au nom de la liberté telle qu’elle est perçue en occident, un homme peut disposer de son corps comme il le conçoit et l’entend. Il peut par extension, en matière de sexe, faire l’amour avec qui il veut, devenir un temps une femme, s’il était homme, puis retrouver son genre naturel ou même décider de n’avoir aucun genre à revendiquer parce que ne se sentant à l’aise dans aucun. Bref, un homme ou une femme peut expérimenter toute la dimension de l’être qu’il est avec l’appui de la loi en utilisant ou non les moyens de la science. En Afrique, la chose n’est pas possible dans ce sens, en tout cas dans notre conscience collective. Elle serait violemment critiquée, combattue, et même désenvoûter depuis le sein même de la cellule familiale. Le microcosme familial africain n’est simplement pas conçu pour accepter ce type de fantaisie. Un homme reste un homme, et ce, jusqu’à sa mort. Les revirements du genre Père Kardashian, n’ont pour l’heure aucune chance de prospérer sous nos cieux. Le regard dur et réprobateur du voisinage est suffisant pour décourager, du moins publiquement, ce type d’envies. Qu’il se sente femme dans un corps d’homme ou vis-versa, ces troubles d’identités n’ont pour l’Africain de base aucune raison d’être. Nous n’avons pas été éduqués pour nous donner ce luxe. Un homme reste un homme ou une femme et doit s’assumer comme tel au risque de se voir stigmatiser, mis à l’index.

Depuis le sein de nos mères, nous avons été préparés à être des mâles, et les femmes l’ont été, à rester des femmes. L’individualisme à l’Occidental a peut-être permis à ceux-ci de s’offrir des libertés sur le genre, et même sur la procréation. Il n’en est pas de même pour l’Africain au sud du Sahara pour qui, on nait et on meurt comme on est né, c‘est-à-dire du même genre. Il ne peut donc être admissible, aux yeux de la société, qu’un homme ou qu’une femme affiche des tendances qui ne soutiennent pas cette vérité. Raison pour laquelle les homosexuels et assimilés, LGBT qui vivent sous nos cieux sont discrets, ils savent qu’ils sont des avant-gardistes et que vivre comme en occident est un luxe qu’ils ne peuvent s’offrir aussi aisément que nos pères ne peuvent vivre la polygamie en occident. Chacun défend ses valeurs et forcément s’y attache du mieux qu’il peut. Voici deux visions du monde sur un fait à priori banal, mais qui fait toute la différence.

ÉRIC TCHIAKPE – Ecrivain

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