L’annonce de l’ex-chef rebelle, Guillaume Soro, aujourd’hui poursuivi par Ouattara pour atteinte à la sûreté de l’État, de mettre fin à son exil, ne doit laisser indifférent le régime en place à Abidjan.
Le fait que le traqué par Ouattara ait été reçu cordialement par la junte au pouvoir à Niamey en rajoute un peu à la sauce pour ce qui pourrait se passer dans les jours à venir en Côte d’Ivoire. Dans son intervention après son audience au palais de Niamey, Guillaume Soro a déploré le fait qu’aucun des gouvernements dits démocratiques en Afrique n’ait pu lui offrir un accueil dû à son statut de panafricaniste et qu’il a fallu un régime militaire pour lui témoigner cette gratitude. Un message d’autant plus significatif que la sous-région ouest-africaine est aujourd’hui divisée en deux blocs. D’un côté, les régimes démocratiques bénis par la France et de l’autre, les régimes issus des derniers coups d’État ayant porté à la tête de ces pays, de jeunes militaires très hostiles à la France et à Emmanuel Macron.
Ce qui ressort de l’évidence, le Niger, le Mali, le Burkina et la Guinée ont convenu de faire marche commune contre les « ennemis » pro-Macron avec Ouattara et Macky Sall comme les têtes de pont d’une alliance contre les coups de force. Ainsi, l’union Tiani-Soro implique insidieusement une entente collégiale avec les trois autres putschistes dont Ouattara veut d’une manière ou d’une autre la peau pour faire plaisir à son maître, Emmanuel Macron.
En politique, l’ennemi de ton ennemi étant ton vrai ami, Guillaume Soro pourchassé depuis six ans par Ouattara aura-t-il trouvé en Tiani, le parfait allié pour prendre sa revanche contre Abidjan ?
Dans cette éventualité, l’on doit tenir compte du très riche passé rebelle du nouvel ami du régime en place à Niamey. Soro sait partir du néant avec un peu de moyens pour créer une armée rebelle capable de mettre en déroute une armée régulière. Et ce n’est pas l’odeur des morts qui va l’éloigner de son objectif. Il en a fait une preuve éloquente dont la Côte d’Ivoire continue de panser la plaie.
Pour un président qui s’est donné les moyens de s’offrir un troisième mandat contre l’orthodoxie en la matière, la côte de popularité de Ouattara en Côte d’Ivoire ne lui garantit nécessairement pas la fidélité de ses hommes. Ce qui n’était pas le cas du nationaliste Gbagbo dont le jeune rebelle Soro en a fait une bouchée au moment fort de sa puissance comme chef d’État. Le président Ouattara a donc trop à craindre dans cette affaire de fin d’exil de celui qui était son fils pour avoir été son bras armé dans son combat pour la conquête du pouvoir.
Mais comme la science politique a ses raisons que la raison elle-même ignore, il se peut bien que le nouveau Guillaume Soro défraîchi et physiquement un peu diminué ne présente plus grand intérêt pour Niamey pour se lancer dans un bras de fer armé contre Abidjan. Dans ce cas de figure, il pourrait bien servir de rançon pour la junte au pouvoir à Niamey pour rebondir dans l’estime du préfet de la France en Afrique, le président Ouattara.
Guillaume Soro n’ayant plus rien et ne présentant plus visiblement aucun intérêt pour Tiani contrairement à Ouattara qui voit en son sang un élixir de jouvence, le deal est vite fait sur le crâne clairsemé du condamné de Ouattara. L’un dans l’autre, cette déclaration de Soro de mettre fin à son exil pour choisir Niamey comme terre d’accueil est une très belle équation pour Abidjan qui doit multiplier de génies pour ne pas en mourir.
Aboubakar TAKOU