Le mercredi 16 octobre 2024, Laurent Gbagbo, ancien président de la Côte d’Ivoire, a livré une interview captivante sur AFO Média, au micro d’Alain Foka, dans l’émission « Moment de Vérité ». Durant cet échange, il a abordé plusieurs sujets en particulier les relations entre son pays et l’Alliance des États du Sahel (AES), ainsi que son regard critique sur la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Alors que l’AES, Alliance créée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger fait l’objet de toutes les critiques notamment sur sa légitimité, Laurent Gbagbo pose un regard tout contradictoire. L’ancien président ivoirien, reçu sur Afo Média n’est pas allé du dos de la cuillère pour relever les insuffisances de la CEDEAO, à laquelle, rappelle-t-il, a-t-il connu pour avoir été dirigeant de la Côte d’Ivoire du 26 octobre 2000 au 11 avril 2011
Laurent Gbagbo a invité l’opinion à s’interroger sur les réels mobiles qui fondent le départ des pays dirigés par Assimi Goïta, Ibrahim Traoré et Abdourahamane Tiani. “Si nous voyons que trois Etats ont quitté la CEDEAO pour créer l’AES, il faut se demander pourquoi !”, a-t-il indiqué. Pour lui, le retrait de ces pays est plus que justifié : “la CEDEAO ne s’attaque pas aux problèmes de l’Afrique de l’Ouest”. Il évoque à cet effet, les problèmes de sécurité qui se posent dans la sous-région avec notamment, la poussée du terrorisme. « Il y a des rebellions qui affligent le Mali, le Burkina Faso, le Niger et même la Côte d’Ivoire. Qu’est-ce que la CEDEAO a fait ? Rien ! (ndlr) » a-t-il affirmé.
Selon Lui, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est « un instrument de propagande de la France », qui doit faire sa mue pour s’adapter au contexte actuel au risque de disparaître tout simplement. Pour lui, la plupart des projets de l’organisation étant financés par des puissances extérieures, elle ne peut qu’être assujettie aux désidérata de ces puissances.
Il en est de même, d’après lui, de l’Union africaine dont le siège a été entièrement financé et construit par la Chine et dont le budget de fonctionnement est en grande partie sponsorisée par l’Union Européenne. « Je pense que les Africains ont deux choix : se ressaisir et financer leurs organisations dont la CEDEAO ou bien alors les dissoudre », a-t-il dit.
Evoquant les jugements faits aux autorités militaires des pays de l’AES, l’ancien président ivoirien a souligné que l’Afrique a toujours été émaillé par des coups d’Etat. « L’Afrique est pleine de coups d’Etat. L’Afrique est pleine de faiseurs de coup d’Etat. Moi, je n’ai pas fait de coup d’Etat pour arriver au pouvoir mais je travaillais avec des gens comme Lansana Conté. Je travaillais avec d’autres chefs d’Etat issus de l’armée », a-t-il déclaré.
Laurent Gbagbo dit observer une politique de deux poids deux mesures dans le traitement des Etats ayant connu des putschs. « On présente l’AES comme un conglomérat de putschistes. Mais il y a eu aussi des coups d’Etat en Guinée, au Gabon et au Tchad. Je fais deux remarques : pour ceux qui critiquent les dirigeants de l’AES et les traitent de putschistes, il y a deux sortes de coup d’Etat; les bons coups d’Etat et les mauvais coups d’Etat. Quand je vois que certains chefs d’Etat occidentaux couraient quasiment au Tchad pour adouber le fils Deby, je me demande ce qu’il y a dans la tête de ceux qui raisonnent ainsi intellectuellement. Soit un coup d’Etat est un coup d’Etat soit il n’en est pas », a-t-il fustigé, promettant de normaliser les relations entre la Côte d‘Ivoire et les pays de l’AES, s’il était élu président en 2025.
« Je vais les (les Etats de l’AES, ndlr) considérer comme des Etats tout simplement (…) Comment peut-on recevoir le Général Brice Oligui Nguema, président du Gabon et rejeter les présidents Ibrahim Traoré du Burkina Faso ou Assimi Goïta du Mali ou encore le Général Tiani du Niger ? », s’est demandé l’ancien dirigeant ivoirien.
Pour finir l’ancien président de la Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo a exprimé son désir de renouer les liens entre la Côte d’Ivoire et l’AES. Selon lui, ces pays ont fait des choix souverains et il serait judicieux de reconstruire des relations économiques et monétaires solides avec eux.
Fallone CHABI-BONI