Dans un entretien exclusif accordé depuis le palais de la Marina, le président de la République, Patrice Talon, s’est exprimé sur la situation politique actuelle au Bénin, marquée par des tensions préélectorales et des débats autour de la réforme du système partisan. Le chef de l’État a fermement défendu cette réforme tout en déplorant l’attitude de certains partis politiques qui, selon lui, entravent la construction d’une gouvernance plus unifiée et efficace.
Interrogé sur les difficultés rencontrées par certains partis pour satisfaire aux conditions électorales, le président Talon a reconnu que la dynamique électorale actuelle ne l’« enchantait pas » et « portait préjudice à l’image du pays ». Cependant, il a réfuté l’idée que la réforme du système partisan soit trop exigeante. Il a souligné que cette réforme, engagée depuis 2016, visait à encourager le regroupement des partis pour former des entités politiques nationales plus fortes et représentatives. « Nous l’avons engagée et j’en suis fier », a-t-il déclaré, expliquant que l’objectif était de sortir du statu quo et de construire un pays « doté de grands partis politiques susceptibles de représenter toutes les régions du Bénin ».

Le président Talon est revenu sur la genèse de la crise politique, pointant du doigt le refus de collaborer du FCBE avec son régime. « Cette opposition de principe a conduit pratiquement à la scission des FCB et puis à la création du parti des Démocrates », a-t-il analysé. Il a longuement évoqué les événements de 2019, où, selon lui, le refus de l’ancien président Boni Yayi d’entériner des « tests » (lois électorales) consensuels a empêché la tenue d’élections apaisées. « Il a empêché que des tests consensuels soient mis en œuvre pour permettre une élection apaisée. Il a pratiquement empêché que les élections aient lieu », a-t-il affirmé.
Pour illustrer l’impossibilité d’une collaboration constructive, le chef de l’État a pris l’exemple du vote du budget de l’État 2025. Il a rappelé que le ministre des Finances avait intégré « la quasi-totalité des observations et des recommandations des Démocrates », faisant de ce texte une « belle occasion pour montrer que le pays est indivisible ». Il a donc déploré leur vote final contre le budget, qualifiant cette attitude de « contraire à ce qu’ils ont souhaité » et « pas acceptable », laissant entendre que cette décision était dictée par leur leadership.
Face à cette « adversité éternelle », Patrice Talon a plaidé pour une nouvelle culture politique, s’inspirant de modèles comme l’Allemagne où « une fois [les élections] finies, ils se battent ensemble pour gérer le pays ». « On ne peut pas construire le pays quand on a l’impression qu’il y a une partie du pays contre une autre », a-t-il asséné, appelant à « mettre la vérité ensemble pour construire le pays ».
Il a défendu le Code électoral actuel qui, via un système de « bonus », encourage les partis à déclarer leur intention de collaborer après les scrutins. « C’est une technique pour amener les gens à commencer à se parler. C’est tout », a-t-il justifié. Il a aussi regretté que les Démocrates aient refusé de signer des accords avec d’autres partis comme le FCBE, un choix qui, selon lui, a scellé le sort de leur candidat à la présidentielle. « Si les Démocrates avaient signé avec le FCBE un accord de gouvernance et un accord parlementaire, le duo-candidat à l’élection présidentielle des Démocrates ne serait pas tombé », a-t-il estimé.
Dans un passage plus personnel et inédit, le président Talon a évoqué sa relation conflictuelle avec son prédécesseur, Boni Yayi. « La guéguerre entre mon ami, mon grand-frère [Boni Yayi] et moi est en train de pourrir l’environnement politique au Bénin », a-t-il lancé, souhaitant que « lui et moi quittions la scène politique » pour permettre au pays de « vivre autre chose ».
En conclusion, le président Patrice Talon a lancé un appel vibrant pour que la compétition politique cesse d’être une source d’inimitié. « La compétition politique ne doit pas se faire au détriment du pays », a-t-il insisté, appelant tous les acteurs à travailler ensemble pour l’intérêt général. « C’est ma volonté, c’est ma prière », a-t-il conclu.
Jean De Dieu TRINNOU



