Ce qui fut un temps une « bromance » remarquée entre deux des personnalités les plus influentes des États-Unis a brutalement viré au conflit ouvert, exposant au grand jour les interdépendances complexes entre l’État fédéral et l’empire d’Elon Musk. Donald Trump, le président américain, et Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, se sont lancés dans une joute verbale virulente sur les réseaux sociaux, sur fond de désaccord budgétaire. Une querelle qui menace désormais de paralyser des programmes spatiaux et militaires cruciaux.
La rupture, spectaculaire et chaotique, a éclaté le jeudi 5 juin, entraînant immédiatement une chute de 14% de l’action de Tesla, avant une légère remontée vendredi, suscitée par l’hypothèse d’une réconciliation téléphonique. Si les aléas boursiers peuvent être aussi capricieux que les sautes d’humeur des protagonistes, les implications de ce clash vont bien au-delà de la finance.
Des Milliards de Dollars en Jeu
L’ampleur de la dépendance de l’État américain envers les entreprises d’Elon Musk est frappante. Selon des calculs du Washington Post, l’empire Musk a bénéficié de 38 milliards de dollars d’argent public sous forme d’aides, de subventions et de commandes publiques au cours des vingt dernières années. Une part colossale de cette somme, 22 milliards de dollars, concerne les contrats liant SpaceX, l’entreprise spatiale de Musk, à la Nasa et au Pentagone. En 2024, ces contrats fédéraux représentaient un quart des revenus de SpaceX.
La Nasa et le Pentagone en Première Ligne
La tension, bien que semblant retomber légèrement, a mis en lumière la vulnérabilité des programmes spatiaux et militaires américains. Le programme spatial de Washington, y compris ses volets à visée militaire, peine à envisager de se passer des services d’Elon Musk.
La passe d’armes a atteint son paroxysme lorsque Donald Trump a menacé sur Truth Social d’annuler les contrats d’Elon Musk avec l’État. En réponse, le milliardaire a annoncé sur X qu’il allait mettre hors service son vaisseau spatial Dragon, le seul habilité à acheminer des astronautes depuis les États-Unis jusqu’à la Station Spatiale Internationale. Bien qu’Elon Musk ait fait marche arrière quelques heures plus tard, cet épisode a révélé sa capacité de nuisance et la dépendance de l’Amérique.
Gwynne Shotwell, la numéro deux de SpaceX, a confirmé l’ampleur des engagements : 22 milliards de dollars de contrats avec l’État américain, dont la majorité est liée à la Nasa pour la navette spatiale Dragon et le programme Artemis, visant à renvoyer des astronautes américains sur la Lune en 2027.
Mais le Pentagone est également fortement impacté. SpaceX assure régulièrement le lancement de satellites de renseignement pour l’armée américaine et a été chargée de la construction d’une version plus sécurisée du réseau de satellites Starlink pour les communications militaires.
Alors que l’onde de choc de cette rupture continue de se propager, la question de la pérennité de ces collaborations stratégiques se pose avec acuité. Si une réconciliation semble être la seule issue pour éviter des perturbations majeures, la fragilité de ces partenariats, dépendants des humeurs de deux personnalités au tempérament bien trempé, expose l’État fédéral à des risques inédits.
