La date majeure des élections législatives 2023 est officielle. La Cour constitutionnelle a rendu la décision DCC 22-065 du 24 février 2022 qui fixe la date des législatives au 08 janvier 2023. Une décision appréciée par plusieurs acteurs politiques et hommes de droit.
Mais mal vu d’un avocat qui veut donner des leçons aux sachants sans pour autant maitriser le b.a.-ba du processus électoral. C’est donc pour lui rafraichir l’esprit, Sylvain DEHOUMON lui donne quelques cours de droit
Les clarifications dans le commentaire qui suit
Décision DCC 22-065 fixant la date des législatives 2023 : Les errements d’un avocat qui veut donner des leçons aux sachants
(Il ne connait rien de la question qu’il aborde)
Le jeudi 24 février dernier, la Cour constitutionnelle a rendu la décision DCC 22-065 du 24 février 2022 qui fixe la date des législatives au 08 janvier 2023. Une décision qui a été saluée par plusieurs acteurs politiques et hommes de droit. Mais un avocat a décidé de tout mélanger et il dit vouloir recadrer les sages de la Haute juridiction. Lorsqu’on parcoure son texte, on comprend aisément qu’il n’a pas encore lu le nouveau code électoral. Et pourtant nous sommes à l’ère du numérique.
Un avocat sérieux devrait connaitre les textes qui régissent une question avant d’opiner là-dessus. Comment peut-il s’étonner de ne pas voir le président de la République faire un recours en matière de fixation de date des élections législatives alors que depuis plus de deux ans le droit béninois a complètement changé sur la question ?
Dans des propos qui lui sont prêtés par kpakpatomedias.com, celui qui se déclare avocat pense se prononcer sur une « demande émanant de la CENA et non de celui qui doit convoquer le corps électoral ». Il s’étonne que la Cour constitutionnelle ne demande pas au président de la République qui, selon lui, doit convoquer le corps électoral, de la saisir avant de statuer.
Sans rentrer dans les autres considérations de ses propos qui démontrent sa méconnaissance des mécanismes de saisine d’office de la Cour, son rôle de régulateur du fonctionnement des institutions et des modalités d’utilisation de ses pouvoirs en la matière, ainsi que, enfin, son refus de s’incliner devant la délibération d’un organe juridictionnel collégial de sept membres, qu’il me soit simplement permis ici de dire que l’avocat ne connait pas le droit positif de son pays d’origine. Il est vrai que cela n’a rien à voir avec le droit immobilier qui serait sa spécialité.
De quoi s’agit-il en réalité ?
Avant la révision de 2019, l’article 46 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 disposait, en ce qui concerne les élections présidentielles que : « La convocation des électeurs est faite par décret pris en Conseil des ministres. ». Même si la Constitution est restée muette sur la fixation des dates des autres scrutins, les différentes lois en matière électorale réglaient chaque fois la question sur le même schéma que ce que la Constitution avait décidé pour l’élection présidentielle. C’est ainsi par exemple que la loi 2018-31 du 09 octobre 2018 portant code électoral en République du Bénin disposait, en son article 69, que « le corps électoral est convoqué par le président de la République par décret pris en Conseil des ministres, quatre-vingt-dix jours au plus tard avant la fin du mandat en cours ».
Mais depuis la révision de la Constitution intervenue avec la loi 2019-40 du 7 novembre 2019, non seulement l’article 46 de la Constitution a été abrogée, mais plus aucune loi électorale ne revient sur pareille disposition. Simplement parce que, désormais, dans la constitution du Bénin, les dates des élections se veulent fixes comme aux États-Unis d’Amérique. Elles ne font donc plus objet de décret du PR, encore moins de décision de la CENA ou de la Cour constitutionnelle. Il est clairement dit que, pour les élections législatives par exemple, elles ont lieu les deuxièmes dimanches du mois de janvier et que les députés ainsi élus doivent être installés le deuxième dimanche du mois de février (article 153-2).
Il se fait cependant que ces dispositions précisent qu’il en sera ainsi pour les années électorales définies comme année dans laquelle les législatives sont organisées en même temps que les communales en janvier et la présidentielle suit le deuxième dimanche du mois d’Avril. Tout le monde constate que, ni en 2021, ni en 2023, on n’était pas et on ne sera pas en année électorale. La question de la date des élections s’est posée en 2021 et se repose pour 2023. Faut-il appliquer ces nouvelles dispositions alors qu’on n’est pas en année électorale ? Voilà la question à laquelle il a fallu répondre en 2021 et à laquelle la Cour vient encore de répondre pour 2023 par décision DCC 22-065 du 24 février 2022. Pour certains, les nouvelles dispositions en matière électorale ne doivent commencer à s’appliquer qu’à partir de 2026, alors que pour d’autres, c’est tout de suite, même si on n’est pas en année électorale. Voilà les termes du problème.
La réponse à ce problème se trouve pourtant dans les dispositions transitoires de la Constitution. Aux termes de l’article 157-3 nouveau :
« Les dispositions nouvelles concernant l’élection et le mandat du Président de la République entrent en vigueur à l’occasion de l’élection du Président de la République en 2021. (…)
Les nouvelles dispositions régissant l’élection et le mandat des députés entrent en vigueur à l’occasion des élections législatives de 2023. »
Le constituant veut que, même si on n’est pas encore en année électorale en 2021 comme en 2023, les nouvelles dispositions entrent en vigueur aussitôt. Des 2021 pour la présidentielle. Dès 2023 pour les législatives. La Cour constitutionnelle dont le rôle est de donner effet aux dispositions de la Constitution ne pouvait donc décider autre chose que ce que le constituant a voulu lui-même par une disposition transitoire claire.
L’avocat, donneur de leçons à tout faux quand il s’étonne de ne pas voir le président de la République dans une procédure dans laquelle aucun texte ne lui attribue aucun rôle. Un petit recyclage est nécessaire à notre ami du barreau de Dijon.
Quand on parcoure le reste de son texte, il donne son point de vue sur ce qu’il aurait fait s’il était membre de la Cour constitutionnelle, ou même s’il était seul membre de la Cour, car on a l’impression qu’il oublie que la décision commentée est le fruit d’une délibération de sept personnes dont la majorité est spécialiste de questions juridiques.
Notre avocat estime ainsi que le doute sur la date des élections législatives et la division de la CENA entre deux camps ayant des lectures différentes des dispositions en question l’année d’avant lesdites élections n’est pas une question urgente et ne participe pas de la régulation du fonctionnement des institutions, ce qui fait que, selon lui, la Cour devrait s’en tenir à l’irrecevabilité du recours ou constater son incompétence. C’est ce qu’il aurait fait en tous cas s’il était juge constitutionnel. On notera quand même qu’une position aussi irréaliste qu’irresponsable n’est en rien en phase avec la tradition d’arbitrage de la Cour constitutionnelle sur les conflits d’interprétation de textes (sa raison d’être), que la décision plaise ou non. La Cour n’est pas là pour faire plaisir aux acteurs politiques. En l’espèce, ce sont bien les mandats des députés actuels qui se voient réduits de quelques mois, provoquant certainement des mécontentements en leur sein pendant qu’au même moment les opposants aussi se plaignent. Quand aucun camp n’applaudit un juge, n’est ça pas là le signe le plus éclatant de son impartialité et de son professionnalisme ?
Notre avocat devrait le savoir. C’est une simple question de logique.
Sylvain DEHOUMON.