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Politique

Opinion de l’He Assan SEIBOU : Houngbédji, Une migration politique en perspective

Lors de la cérémonie de présentation des vœux de ses militants le 2 février 2025, Maître Adrien HOUNGBEDJI a surpris les Béninois par des déclarations aux accents critiques envers la gouvernance du Président Patrice TALON.

Entre justifications inattendues du verdict du procès de coup d’État, doutes sur la fusion avec l’Union Progressiste (UPR), et prises de position sur les prisonniers et exilés politiques, le leader historique du PRD semble vouloir se repositionner sur l’échiquier politique. Ces propos, analysés par le député Assan SEIBOU, soulèvent des questions cruciales : HOUNGBEDJI cherche-t-il à se démarquer du pouvoir en place ? Préparerait-il une nouvelle migration politique, voire un retour à l’opposition ?

Lire ci-dessous l’intégralité de l’opinion de l’He Assan SEIBOU sur les propos tenus par Maître Adrien HOUNGBEDJI lors de cette cérémonie.  

                    Les propos de Maître Adrien HOUNGBEDJI :

                UNE MIGRATION POLITIQUE EN PERSPECTIVE ?

A l’occasion de la présentation des vœux des militants du PRD à Maître Adrien HOUNGBEDJI à son domicile le 02 Février 2025, ce dernier a, dans son adresse, fait certaines déclarations de portée hautement politique, sur lesquelles il est indispensable de revenir.

Je voudrais, avant d’aborder cette analyse, reconnaître à Maître HOUNGBEDJI des qualités dont j’ai souvent fait mention publiquement. Je n’ai jamais été son militant, mais sa témérité durant plus de trois décennies au devant de la scène politique béninoise m’a impressionnée. La qualité de ses discours m’a souvent fait penser qu’il comptera beaucoup pour la postérité. Mais, je dois le dire, ses récents propos m’ont bouleversé et j’ai tenu à réagir pour éviter que dans ma propre conscience et estime, il ne perde cette place de haute estime.   

Il s’agira d’identifier les thèmes abordés, et les examiner sur la base de ses propres commentaires.

  1. Les Coups d’Etat

Après avoir annoncé, parmi les points du rêve du PRD au moment de sa création, qu’ils voulaient dire “non aux coups d’Etat”, dans la suite, il trouve de justification au complot en vue de perpétrer un coup d’Etat contre le Président Talon Patrice.

Cette contradiction entre le Principe annoncé et la réalité ne pourrait provenir que de 2 raisons :

  • Le rêve politique du PRD sur les coups d’Etat n’était pas sincère ; car pour un démocrate vrai, aucune raison au monde, ne peut justifier un quelconque coup d’Etat. Aucune !!!
  • Sa longue expérience du jeu démocratique au Bénin aurait amené Adrien HOUNGBEDJI à changer sa conception d’un coup d’Etat. Il devrait préciser lesquels sont de bons ou de mauvais coups d’Etat.

Dans tous les cas, avec cette position, il sera difficile de classer HOUNGBEDJI parmi les vrais démocrates au Bénin et ce qu’il appelle son combat pour la démocratie se vide de sa quintessence.

  • Faux complot et vrai complot

HOUNGBEDJI laisse très clairement (pour celui qui l’écoute), le sentiment que le complot contre la sûreté de l’Etat en vue de perpétrer un coup d’Etat contre le Président TALON, jugé il y a une semaine, est un faux complot.

Venant d’un éminent avocat, ancien magistrat, c’est perturbant. Ni plus, ni moins, cette appréciation du dossier jugé, signifierait que ce qui a été dit dans ce procès était faux ; il n’y aurait pas de complot contre la sûreté de l’Etat.

C’est d’ailleurs pour cela qu’il qualifie les auteurs du complot, de “victimes”. Il faut alors nécessairement, que HOUNGBEDJI situe cette fameuse nation qui a suivi les détails de ce procès public, sur la vérité, sur ce qui est faux dans les informations versées ou livrées dans ce procès. Il doit en savoir quelque chose.

De même, il justifie ce complot de coup d’Etat contre le Président TALON, par l’exclusion dans la gouvernance de ce dernier. Cela signifie que les auteurs se sentaient exclus de la Gouvernance de Talon. C’est le comble de la surprise! Olivier BOKO et HOMEKY exclus de la Gouvernance de TALON!!! Quand même !!!

  • L’Exclusion

L’expression “exclusion” par la Gouvernance sortie de la bouche du Président HOUGBEDJI parlant de celle de TALON, est bouleversante pour toute personne de la mouvance. Et c’est pour cela qu’il faut s’attarder là-dessus.

La première question qui vient à l’esprit de celui qui l’entend, est celle de savoir si HOUNGBEDJI se sent exclu ? Un oui en réponse, devait déclencher à l’unanimité, une huée de désapprobation et de sérieuses interrogations sur l’équilibre du raisonnement actuel de notre patriarche bien aimé Hagbè HOUNGBEDJI de Porto-Novo.

Et pour cause, s’il y a eu quelque réforme dans ce pays sous le régime du Président Patrice TALON, elle a eu pour socle les discours éloquents de HOUNGBEDJI et les initiatives soutenues et conduites par lui, dans la position de Président de l’Assemblée de la septième législature. Par la suite, bien que son Parti n’ait pu siéger à l’Assemblée pendant la 8è législature (pour raison de la mise en œuvre des lois qu’il a fait voter), il a opéré une fusion de son Parti avec le Parti l’Union Progressiste et placé ses militants, tant au niveau du Gouvernement que des institutions de la République. Donc il était, depuis toujours, intimement lié à la gestion du pouvoir de Patrice TALON.

On peut comprendre un opposant qui clame l’exclusion, c’est normal; cela fait partie du jeu, puisque contrairement au passé, l’appel de pied de certains opposants prêts à monnayer leurs positions avec des avantages de tout genre  qu’offrirait le gouvernement, ne peut plus avoir cours.

Mais venant de Maître Adrien HOUNGBEDJI, il y a de quoi susciter une indignation.

  • Les lois décriées

Toutes les lois que l’opposition, les syndicats et la presse qualifient de liberticides ont toutes été adoptées avec la collaboration ou sous la houlette de HOUNGBEDJI. La loi sur le numérique en est une illustration. On n’a jamais entendu Maître HOUNGBEDJI élever la voix sur une seule loi en étude à l’Assemblée. Au fait, comment celui qui a appelé à la réduction du nombre de Partis politiques à 3 ou 4, peut-il vouloir s’accommoder aujourd’hui, des situations antérieures ? Alors que des voix s’élevaient pour lui donner la paternité politique et conceptuelle du plan de réduction des partis, voici qu’il sort une prise de distance vis-à-vis des réformes, car c’est le non respect des règles de réforme qui a conduit certains à parler d’exclusion et de limitation des libertés politiques.

Si Maître Adrien HOUNGBEDJI n’a absolument aucune raison d’évoquer son exclusion ni celle de BOKO Olivier de la gouvernance de TALON, alors il ne reste que les réactions inspirées de celles de l’opposition dont il embouche la trompette. Dans ce cas plausible, ce serait une attitude politiquement infamante.

Il aura participé aux votes des lois réformatrices, participé à la gouvernance, tiré des avantages de sa proximité avec le pouvoir, et faire volte-face pour condamner ce qu’il a contribué à mettre en place.

Je me demande pourquoi ferait-il cela ?

En tout cas, sur ce point, il donne raison à ses détracteurs de tout le temps ou ses proches qui le peignent en une image ubuesque, couverte de salves puantes, pour crier : c’est sa nature çà !!! Ici encore, HOUGBEDJI doit clarifier ce qu’il veut signifier.

  • Les prisonniers politiques

C’est curieux que Maître Adrien HOUNGBEDJI n’en parle que maintenant. Il aurait cité des exemples, qu’il édifierait mieux le peuple. Fait-il allusion à Joël Aïvo ou Reckyatou Madougou que l’opposition brandit comme étant des prisonniers politiques ? Elle l’en a d’ailleurs immédiatement félicité.  

Si c’est cela, il n’y a plus de doute, il cherche une nouvelle virginité à Porto-Novo. Sinon pourquoi d’une part, un homme du sérail du droit comme lui, joue à ne plus savoir ce qu’on appelle prisonnier politique ? Et d’autre part, depuis que AÏVO est en prison, on ne l’a jamais entendu protester ni rejeter la gouvernance de TALON, son associé. C’est sans doute parce qu’il savait qu’un prisonnier politique, est celui qui est en prison du fait de son opinion politique, et non celui qui, même personnalité politique, aurait été là du fait d’une procédure suite à une infraction punie régulièrement par la loi, ou condamné lors d’un procès tenu en règle. Ici encore, il rendrait services en doigtant les personnes qu’il vise ou désigne comme prisonniers politiques, car il n’y en n’a pas au Bénin.

En vérité, on ne cache pas le soleil avec un doigt. Le feu qui produit cette fumée est que le patriarche ne digère pas la percée de l’équipe de AÎVO dans l’Ouémé, qui a positionné les siens dans les LD. Et pire, il n’a pas le contrôle sur la Mairie de Porto-Novo. Il veut simplement baisser la température de son opinion publique.

Et maintenant qu’il semble avoir fini de tirer le jus du côté de Talon, il voudrait charmer les Ouéménous en montrant qu’il est préoccupé par la situation de AÏVO et pourrait ressusciter le PRD avec ses rêves. Non !!! HOUNGBEDJI était peut-être trop joyeux ce soir là, et il s’est pris l’envie du vieux footballeur de croire qu’il peut encore jouer et soulever des foules. C’est sûr qu’il ne réussira, sur le terrain, après cet échauffement d’esprit, qu’à attirer qu’un rictus de mépris et de pitié.

  • Les exilés politiques

Exilé politique, HOUNGBEDJI l’a été avant 1990 à la suite de sa condamnation à mort par la cour dirigée par le Magistrat Moucharaf GBADAMASSI qui est devenu plus tard son compagnon politique. Il était certes un fugitif de la prison civile de Cotonou d’où il s’est évadé, mais il était classé parmi les pupilles d’Emile Derlin ZINSOU. Il a connu les affres que vivent tous ceux qui se retrouvent à l’étranger, exilés volontaires ou pas, sans pouvoir rentrer dans leur pays. Il faut comprendre qu’en 1990, malgré la belle vie qu’il a pu avoir dans son sort à l’étranger, il ait été meurtri notamment, par le fait de n’avoir pu assister aux obsèques de sa mère. Il était compréhensible qu’il ne puisse le souhaiter à personne et que cela eut figuré dans les objectifs de son PRD.

Cependant, dans le contexte actuel, ses propos sur les exilés politiques, offrent l’occasion de clarifier ce qu’il convient d’appeler un exilé politique.

Tout comme le prisonnier politique, cela devrait paraître une injure de croire que Maître Adrien HOUNGBEDJI ne connait pas réellement le sens d’un exilé politique. C’est simplement celui qui s’est réfugié à l’étranger pour échapper aux violences ou poursuites du fait de son opinion politique.

Avant 1990, il y avait ceux qu’on appelait des réactionnaires qu’il fallait abattre. Il suffisait d’exprimer votre position contre le pouvoir pour que cette raison soit suffisante pour vous emprisonner ou vous persécuter. Et pour y échapper, il fallait quitter le pays. Il y avait aussi ceux qui étaient identifiés comme instigateurs de l’agression du 16 janvier 1977. Tous ces gens n’étaient coupables que de délit d’opinion politique. Avec d’autres cas similaires, on avait de vrais réfugiés politiques. Ce sont ces cas qui illustrent les exilés politiques.

Le motif de son opinion doit être le seul fondement de l’exil de la personne. Donc, si quelqu’un a fui un procès ou son emprisonnement dans une affaire de délit ou crime de droit commun, il n’est pas un exilé politique même si c’est un éminent homme politique opposant ou non.

Il faut maintenant prier HOUNGBEDJI de sortir la liste et le motif au plan national, du non retour au pays, de ces compatriotes. Je parie qu’il ne trouvera personne !!! Certes des hommes politiques du Bénin vivent à l’étranger et ne veulent pas rentrer pour de raisons diverses. On se rendra compte que pour certains, ils ne sont poursuivis par personne, mais ils profitent du statut de réfugiés qui leur est accordé par les autres, pour faire leurs affaires.

Et pour d’autres, ils sont poursuivis ou condamnés dans des dossiers d’infractions établies par le code pénal du Bénin. Ils le sont pour divers motifs. Donc ils s’évitent la prison. On devrait les appeler plutôt des “exilés de droit commun” et non des exilés politiques.  HOUNGBEDJI sait tout ça.

Alors pourquoi au lieu de nous sortir, en vieux juriste, une formule juridique exploitable pour les faire rentrer, il soulève à quelques mois de la fin du mandat de TALON, un problème auquel il ne propose aucune solution ?

La réponse est unique : il veut imploser le système qu’il a fortement contribué à mettre en place pour se repositionner par rapport à l’avenir.

  • Le doute exprimé sur la fusion avec le Parti Union Progressiste

La plus grande surprise est moins une sortie du PRD différente de celle du Parti UPR, que l’affichage du doute de HOUNGBEDJI, sur la fusion avec l’UP. Il l’a dit clairement. Tout observateur de la politique au Bénin n’a pas manqué d’être fortement surpris par ces propos : “je ne suis même pas sûr que le PRD ait fusionné”. D’où vient ce doute ou alors qu’est-ce qui fait douter le patriarche HOUNGBEDJI de l’acte qu’il a posé officiellement ?

Il apparait certain que le juriste Président du PRD a donné le mouton mais il garde fermement la corde qui le tient en laisse. La fusion aurait été une farce, si le PRD ne s’est pas dissout et si DJOGBENOU n’état pas en possession de l’acte de dissolution avant la fusion. Elle fut peut-être une acrobatie pour ne pas faire la politique de la chaise vide, en vue d’éviter l’annonce de la mort naturelle du PRD, car la loi qu’il avait faite voter prévoyait une dissolution suite à l’absence à deux élections successives.

Manifestement, le PRD est désormais différent de l’UPR. Et j’ai la conviction que les propos de Adrien HOUGBEDJI en cette soirée, ne sont pas prononcés en l’air, ils seront suivis de quelque chose qu’il faut avoir la patience d’attendre. C’est un premier pas dans la nature même de HOUGBEDJI Adrien, selon certains.

CONCLUSION

Il faut retenir que dans ses propos à ses militants, HOUNGBEDJI a voulu se démarquer de la gouvernance du Président TALON et rechercher à faire peau neuve. Le moment qu’il a retenu pour sortir ces déclarations est judicieusement choisi et autorise des spéculations politiques :

  • Le fait qu’elles interviennent une semaine après le procès de complot contre la sûreté de l’Etat, pourrait paraître une réponse à l’appel d’Olivier BOKO dans sa dernière phrase à la fin de procès : “…le contraire de la justice, ce n’est pas l’injustice, mais l’indifférence”. Ce qui parait comme un appel à une coordination dont la réaction est attendue. Cela laisse spéculer aisément et faire croire à une réponse de HOUNGBEDJI par obligation.
  • On entre dans la dernière ligne droite de la mandature présidentielle et de la législature parlementaire. Les propos de Maître HOUNGBEDJI, ancien Président du PRD, apparaît simplement comme un bain de jouvence et un repositionnement du PRD. Il pourrait s’extirper de l’UPR et sa nouvelle migration vers d’autre pôles politiques (pourquoi pas vers l’opposition) pourrait être envisageable.

                                                            Assan SEIBOU

                                                         Député à l’Assemblée nationale                                 

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