(Comment gérer la cacophonie des ambitions personnelles dans son propre camp ?)
La Présidentielle de 2026 est dans trois ans. Mais elle est déjà là et les folies diverses des uns et les autres dans le camp de la mouvance réservent de vilaines surprises à la maison Rupture.
Face à cette réalité, le chef de la mouvance aura deux difficiles portes de sortie. Mais avant d’analyser l’éventualité de ces deux options qui s’imposent à l’actuel chef de l’État, il est important de faire le point des ambitions sur le terrain politique et plus précisément dans l’écurie Rupture.
Comme il est difficile de tourner autour de la tunique royale du vivant du roi, aucune déclaration de candidature ne peut se faire aujourd’hui à environ trois ans de l’échéance capitale. Seulement, comme le nez dans le visage, chaque potentiel candidat à la succession est tout aussi visible en dépit de toutes les formes d’hypocrisie.
Dans le Septentrion, deux probables candidatures se dessinent au sein de la mouvance. Abdoulaye Bio Tchané étant hors course, le ministre de l’eau, des mines et de l’énergie, Samou Adambi, croit dur comme fer que c’est peut-être son heure. Même s’il est très contesté dans le Septentrion plus précisément dans la 8ème circonscription électorale où il a été lamentablement laminé aux dernières législatives, le fait de réussir une longévité de 5 ans au gouvernement ajouté au fait qu’il compte dans son palmarès des titres de maire, de député, le conforte dans sa thèse de croire un peu en ses chances surtout que le dieu de la localité en dehors de Boni Yayi, Abdoulaye Bio Tchané est hors course. Mais cette ambition est soigneusement cachée derrière l’éventualité de la non-candidature de son maître, le numéro 2 de l’écurie Rupture.
Pas loin, sur cette même ligne de départ, on pourrait compter avec les ambitions légitimes de l’actuel vice-président du parlement béninois, le professeur Barthélémy Kassa. Fier de son score aux dernières élections, le boss du Septentrion Ouest a des raisons de rêver. Il en a en tout point de vue, le potentiel.
C’est dans le sud du pays où les choses se compliquent. Luc Atrokpo est un phénomène de la jeunesse qui a tout pour réunir la jeunesse béninoise à sa cause. Il est généreux, respectueux de ses engagements et suscite foi aux yeux des requins de l’océan politique national. On ne peut donc l’exclure de cette liste. Vient après le tout aussi jeune mais aux dents politiques longues, Oswald Homéky. Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. L’actuel ministre des sports qui est en même temps une coqueluche pour la jeunesse, a aussi des arguments pour espérer que le patriarche le désigne pour assurer ses arrières. Il est donc un potentiel élu à la candidature pour la succession de son maître à penser.
Que dire du professeur Joseph Djogbénou ? Le rescapé des récents coups politiques foireux nourris contre lui par ses propres parents de la mouvance pour le discréditer aux yeux de son protecteur Patrice Talon, aura réussi tout de même à conserver quelques plumes royales à l’issue des dernières législatives. Mais comme du poison injecté à faible dose, les différents coups montés contre lui, ont fini par l’immuniser contre la béninoiserie de ses propres frères. Tout le prépare dès lors à la fonction. Et son désistement de tout pour renforcer le rêve de son maître, le système partisan, augure bien de son crédo à immortaliser Patrice Talon à son départ du pouvoir. Il est donc un sérieux prétendant à la succession.
Non loin de lui, on peut évoquer le cas du boss de l’administration béninoise et cerveau de la plupart des réformes qui distinguent la Rupture de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis les indépendances. Il a nom, Johannes Dagnon. Très discret, et pas du tout ambitieux du fauteuil, il reste tout de même l’une des clés cruciales de garantie pour Patrice Talon de couler de doux jours après 2026.
Dans cette même veine, on peut citer l’actuel argentier national, Romuald Wadagni. C’est l’homme qui ne rêve aucunement du fauteuil. Très préoccupé à réussir les nombreux challenges financiers et économiques de son chef, l’un des plus brillants ministres des finances de l’Afrique n’a pas du temps pour se préparer à quelque tractation politique dans ce sens. C’est l’esclave du peuple et de son chef Patrice Talon. Mais il reste qu’il a tout pour garantir de beaux jours d’après-pouvoir à celui qu’il considère comme son second papa, Patrice Talon.
Tout porte sa signature. Si Talon doit couler un jour, il coule avec lui. Du coup, il devient la meilleure garantie pour garder la maison pour une paix assurée à la famille Talon et à tous les cadres qui ont servi à divers niveaux sous la Rupture.
Vient maintenant le boss des boss. Olivier Boko qu’on ne présente plus. C’est le bras politique de son patron. Son nom est royalement agité par les membres de sa congrégation religieuse. C’est lui qui présente le meilleur deal pour la classe politique nationale surtout qu’il reste le seul à détenir le gri-gri pour calmer Boni Yayi, le roi des imprévus. Il est le chrétien attitré du lot. Comme les autres, il ne pose aucun pas qui annonce ses couleurs. Mais ses partisans brûlent de désir que le chef le désigne.
Voilà en quelque sorte le tableau. Une richesse qui est en même temps l’annonce d’un probable échec de la maison Rupture à cette présidentielle. Car, si la discipline du groupe ne s’impose pas vite dans le camp de la mouvance, une éventuelle cacophonie des ambitions dans la Rupture fera le lit douillet à l’opposition. Un Éric Houndété qui offre des garanties au président Talon pour être le moindre mal, s’offrira le graal tout aussi facilement qu’on dit bonjour à un aîné et ce sera le moindre mal pour la Rupture qui aura quand même perdu malgré ses mille atouts.
Mais c’est sans oublier la réalité vengeresse de l’ancien président Boni Yayi qui, si la Rupture ne parvient pas à se succéder à elle-même, demandera à dîner avec la chair tendre et bien grillée du président Talon devenu vulnérable.
Ceci pousse immédiatement à ce que devra faire le président Talon pour éviter la grosse humiliation. Il devra se laver dans toutes les décoctions mystiques pour avoir le flair de la candidature rassembleur afin d’éviter une fracture dans son bloc mouvancier. Exercice certes difficile à la fin d’un mandat mais quand on s’appelle Patrice Talon, c’est qu’on a suffisamment de ressources pour éviter ce karma. Mais au cas où la folie des ambitions autour de son fauteuil sera trop rude pour entamer la cohésion salutaire, il s’imposera à l’actuel président de trouver les moyens de renoncer à tout pour sauver la maison : accepter de rester le temps de réussir à fabriquer le meilleur candidat, et ce sera justice. Surtout qu’il aurait déjà fait libérer tous les détenus et inviter les exilés à rentrer pour construire le pays à ses côtés.
Aboubakar TAKOU