À l’ombre des baobabs et manguiers, dans les communes de l’Atacora et du Borgou, un mouvement discret mais puissant prend racine : des femmes cultivent l’avenir par la force de leurs mains. Grâce à l’approche FFBS (Farmers Field and Business School) du projet CASCADE – mis en œuvre par le consortium CARE Bénin-Togo et GAIN, avec l’appui opérationnel des ONG ERAD et SIAN’SON –, des femmes membres de coopératives locales transforment leur quotidien en cultivant l’autonomie, une graine à la fois.
Jardins de case, potagers communautaires, champs de maïs enrichis au compost naturel, transformation et vente de farines enrichies : autant d’activités déployées par ces femmes qui réinventent leur vie face à l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Ces espaces de production ne sont pas seulement agricoles ; ils sont aussi sociaux, économiques et écologiques. Tomates, piments, carottes, laitues, choux, gombos, morelles, arachides, lentilles, niébés… Les femmes y réalisent elles-mêmes les pépinières, installent des grillages pour protéger leurs cultures et adoptent des pratiques agroécologiques durables. Malgré les défis – inondations, sécheresse, manque d’infrastructures de stockage –, elles persistent, innovent et s’organisent pour utiliser leurs récoltes afin de nourrir leurs familles, générer des revenus et renforcer la place des femmes dans les dynamiques communautaires. Dans ces localités, la terre devient source de résilience.
De la terre à l’assiette…
Une partie des récoltes est directement consommée dans les foyers, assurant aux familles une alimentation plus saine, variée et régulière. Des légumes riches en nutriments sont intégrés aux repas, garantissant des plats équilibrés et favorisant la croissance des tout-petits. Cette autosuffisance alimentaire réduit également la dépendance aux marchés.
« Je ne demande plus d’argent à mon mari pour acheter des produits vivriers. Mon jardin me donne ce qu’il faut. J’utilise mes récoltes pour préparer nos repas, ce qui me rassure sur la qualité des aliments que nous consommons. Cela renforce aussi mon rôle au sein du foyer et mon poids dans les décisions du ménage, puisque j’ai également un apport à y faire », témoigne Adiza DANKORO, membre de la coopérative SURU TIM A de Nikki.
La terre, pour générer des revenus et être autonome…
Outre la consommation familiale, les récoltes alimentent les marchés locaux et font l’objet de projets de transformation artisanale.
À Boukombé, les femmes de la coopérative MARANATHA transforment l’arachide en farine enrichie, y ajoutant du soja, de la noix de cajou et du maïs grillé. Ce mélange, riche en protéines et en lipides, est utilisé pour nourrir les enfants en bas âge et lutter contre la malnutrition.
Solange N’DAH, membre de la coopérative MARANATHA à Boukombé, partage son expérience : « Avec la farine que je prépare moi-même, je peux nourrir mon bébé sans trop dépenser. Je la recommande aussi à d’autres femmes dont les enfants sont malnutris ; elles en achètent auprès de notre coopérative. Cela a permis d’accroître notre chiffre d’affaires cette année. Je suis convaincue qu’à la fin de ce cycle, les bénéfices – qui s’élevaient à 100 000 F CFA l’an dernier – pourraient atteindre 400 000 F CFA grâce à la vente de cette farine enrichie. »
Au-delà de la production, les rendements agricoles s’améliorent grâce aux techniques de l’approche FFBS, faisant du projet CASCADE une réussite. Dans toutes les localités, on note une augmentation de la production. À Tempégré, dans la commune de TOUCOUNTOUNA, Pauline, présidente de la coopérative YERINAYO, constate : « Pour une récolte sur un demi-hectare l’année dernière, j’ai obtenu 4 sacs de maïs. Cette année, sur seulement un huitième d’hectare et en n’utilisant que du compost, j’en ai produit 6 sacs. De plus, les produits se conservent mieux. »
Les potagers au service des cantines scolaires…
À Boukombé et Nikki, la solidarité pousse aussi dans les jardins. Bien que disposant de moyens limités, les femmes des coopératives locales ont trouvé une manière concrète de soutenir les cantines scolaires : elles offrent une partie de leurs récoltes.
Ce geste communautaire répond à une réalité préoccupante : de nombreux élèves ne peuvent s’acquitter de la modeste contribution journalière de 25 francs CFA pour leur repas. Les femmes ont donc décidé d’agir.
« Nous savons ce que c’est que d’avoir faim. Si nos enfants ne mangent pas, ils ne peuvent pas apprendre. Alors, ensemble avec les femmes des coopératives, on donne ce qu’on peut et on contribue aussi à la qualité hygiénique des repas de nos enfants », explique Awoulatou ADEWOBI ISSIFOU, présidente de l’AME (Association des Mères d’élèves) et membre d’une coopérative à Nikki.
Les produits des jardins de case et des champs communautaires sont acheminés vers les écoles, parfois de façon informelle, parfois dans le cadre d’un partenariat avec les responsables des cantines. Ce soutien compense les déficits alimentaires et aide les cuisinières à garantir un repas chaud par jour aux enfants.
Au-delà de l’impact nutritionnel, cette initiative renforce les liens entre les coopératives et les établissements scolaires, tout en valorisant le rôle des femmes.
Les potagers qui soignent…
En plus des légumes et céréales, certaines femmes cultivent des plantes aux vertus médicinales, héritées de savoirs traditionnels transmis de génération en génération.
Feuilles de neem, citronnelle, basilic africain, feuilles d’hibiscus blanc… Ces plantes sont précieusement entretenues, récoltées et transformées en infusions pour soulager fièvres, douleurs abdominales, infections respiratoires ou troubles digestifs. Dans des zones où l’accès aux soins reste limité, ces remèdes naturels jouent un rôle essentiel.
Ce volet médicinal renforce l’autonomie sanitaire des familles tout en valorisant les savoirs locaux. En cultivant ces plantes, les femmes ne font pas que perpétuer une tradition : elles adaptent leurs pratiques à leurs besoins, avec une approche intégrée où l’agriculture devient un outil de prévention et de soin.
Grâce à l’approche FFBS du projet CASCADE, financé par le ministère des Affaires étrangères du royaume des Pays-Bas, les femmes des communes de l’Atacora et du Borgou incarnent des modèles de résilience. Leur engagement silencieux mais puissant redéfinit les rôles, renforce les solidarités et démontre une capacité remarquable à transformer des ressources simples en solutions durables.
GA



