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Economie Politique

Rencontre avec les entrepreneurs français : L’intégralité de tout ce que Talon a dit

Sur invitation du Mouvement des Entrepreneurs de France, Patrice Talon était récemment en France pour une séance de partage d’expérience avec les entrepreneurs. Occasion pour le chef de l’Etat du Bénin de vanter les mérites des avancées enregistrées dans son pays sous sa gouvernance.

Après avoir rappelé les 3 éléments essentiels dans la vie d’un entrepreneur que sont l’ambition, le sérieux et le labeur acharné, il a saisi l’opportunité pour inviter les entrepreneurs à observer le Bénin. A ce propos, le chantre du nouveau départ a déclaré que “Le Bénin est en train de devenir une oasis en Afrique où les problèmes d’éducation, de santé sont en train d’être réglés à une grande vitesse”. Et pour accentuer son message à l’endroit de ces entrepreneurs, il invite ceux-ci à investir au Bénin pour bénéficier par exemple des avantages sur les frais d’électricité mieux qu’en Chine. Car le taux du niveau d’investissement français et surtout privés est faible sur la terre du Vodoun.

Étaient présent à ce rendez-vous Lionel Zinsou, président du comité Afrique du MEDEF sans oublier le ministre d’Etat Romuald Wadagni.

Kevin da-SILVA

Modérateur : Bonjour monsieur le Président Patrice Talon et merci d’avoir répondu à l’invitation du MEDEF et de l’ensemble des entrepreneurs français. Vous avez une particularité, une singularité. Vous avez été un entrepreneur mais un entrepreneur à succès. Vous connaissez donc par cœur les défis du secteur privé. En quoi cette expérience de grand patron que vous avez joué un rôle dans la manière dont vous exercez aujourd’hui votre mandat à la tête du Bénin ?

Patrice Talon : Je voudrais d’abord exprimer tout le plaisir qui est le mien à me retrouver ici au sein du gotha des entrepreneurs de France.
Je partage avec tous ceux qui sont ici les mêmes éléments d’ADN. Nul n’est ici, en tout cas, ne peut porter le titre d’entrepreneur ou de patron s’il ne possède les 3 ingrédients essentiels, nécessaires et suffisants. L’ambition, le sérieux, le labeur acharné. Ce sont ces choses qui caractérisent les entrepreneurs. Quand on les a, il n’y a pas de risque, on va au succès, dans tous les cas. Quand on ne les a pas, c’est éphémère. Et on ne peut jamais se développer durablement, s’enrichir, si l’un de ces trois éléments vous manque. Vous avez beau gagner au loto, si vous n’avez pas d’ambitions, vous allez perdre tout ce que vous avez gagné. Si vous n’êtes pas sérieux, ça va s’en aller. Si vous n’êtes pas acharné au travail, pareil.

C’est pour dire que ce qui me caractérise personnellement et qui constitue mon expérience personnelle, ce sont exclusivement ces 3 choses : l’ambition, le sérieux et le labeur. Moi, je ne suis pas un génie et ce n’est pas nécessaire d’être un génie pour se développer dans la vie, pour avoir sa place et même pour s’enrichir. Ce n’est pas nécessaire ! Alors, cela est valable autant pour les individus que pour les communautés humaines. Pareil pour un pays.

Si dans un pays vous avez de l’ambition collectivement, vous êtes sérieux, vous êtes laborieux, vous allez vous développer. C’est cela qui nous a manqué, malheureusement, en ce qui concerne mon pays, pendant longtemps. Je ne dirai pas que cela a fait défaut à tous les Béninois pris individuellement parce que les hommes sont pareils partout, pris individuellement mais parfois c’est l’esprit communautaire ou les leaders des communautés qui n’ont pas ces ingrédients. Il a donc suffi pour moi, tout banalement, de mettre en œuvre ce qui a fait mon parcours personnel et mon petit succès. Le constat de ce que ce qui nous manque au Bénin et ce qui a manqué aux leaders c’est l’ambition, le sérieux et l’acharnement au travail. Je l’ai partagé avec mes concitoyens et cela a été pratiquement la seule chose que je sais faire : mettre les gens au travail, faire des réformes pour que nous soyons plus sérieux, exprimer de l’ambition, et s’acharner au travail. Cela appelle bien sûr que là où nous n’avons pas les compétences, nous allons les chercher quel que soit le prix. C’est tout ! Et c’est cela le sens de mon action à la tête du Bénin depuis quelques années.

Et c’est ça le message que vous voulez porter aujourd’hui face aux entrepreneurs français qui sont là…

Ah non ! Je n’ai pas de leçon à donner à ceux qui sont là. Ils le savent déjà.
Le message que je voulais passer est que le Bénin, depuis quelques temps, est devenu un pays qui a de l’ambition, notamment par ses responsables, et cela est partagé ; sérieux et acharné au travail. C’est cela qui nous caractérise depuis et on voit déjà les résultats.

C’est donc cela le message que vous êtes venu porter pour dire aux entrepreneurs qui sont réunis ici, qui sont aussi des investisseurs que le Bénin est un pays auquel il faut penser quand on a envie de se développer en Afrique, « un pays dans lequel il fait bon d’investir » …

Tout à fait ! Je ne vous le fais pas dire. Vous savez, l’Afrique est vue comme un continent à risque, de manière générale. Mais pire que ça, les pays africains sont vus comme des pays pas très sérieux. Ce n’est pas toujours faux. Je viens de le dire. Mais il faut observer le parcours des pays africains notamment le mien, le Bénin. Je l’ai dit quand j’étais en visite officielle en Norvège, il y a quelques années, j’ai dit aux autorités norvégiennes : « Je suis venu ici pas pour solliciter quoi que ce soit, mais c’est pour vous demander de nous observer, voir comment le pays va évoluer dans les années à venir. Et, aujourd’hui, ce que j’ai envie de dire aux entrepreneurs qui m’entendent c’est : Le Bénin a changé. Ce n’est pas le Bénin seul. Beaucoup de pays changent en Afrique. C’est vrai, il reste quelques insuffisances, quelques appréhensions qui concernent un bon nombre d’entre nous mais cela s’observe et investir en Afrique, au-delà de la mauvaise appréciation du risque, aujourd’hui, peut paraître plus aisé que ce ne l’était, il y a quelque temps, ou plus aisé que dans beaucoup d’autres pays du monde. Le moment est arrivé. Mon message tout particulier est celui-ci, permettez que je parle du Bénin, Le Bénin est en train de devenir une oasis en Afrique où les problèmes d’éducation, de santé sont en train d’être réglés à une grande vitesse. Nous avons fini de régler les problèmes d’infrastructures portuaires, c’est en cours mais c’est bien engagé, aéroportuaires, routières, énergétiques. Venez investir au Bénin aujourd’hui, vous avez de l’électricité de qualité et avec possibilité d’une convention sur le prix. On peut vous vendre l’électricité moins chère qu’en Chine, au Bénin, aujourd’hui.


Il y a une partie du travail qui est accomplie. Il y a encore une partie du travail qui reste à accomplir. Quel est le niveau de l’évolution des investissements privés, notamment français, l’évolution entre il y a quelques années et aujourd’hui. Est-ce que vous avez constaté que le travail que vous menez porte ses fruits et attire des investisseurs étrangers notamment les investisseurs français ?

Ils sont encore faibles, il faut l’avouer. Aujourd’hui, l’Etat béninois reste l’investisseur essentiel. C’est parce que nous avons beaucoup de retard à rattraper, je l’ai dit tout à l’heure, en matière d’infrastructures, d’eau, d’énergie, du numérique, d’infrastructures de communication. C’est en cours. Nous avons avancé à un rythme effréné, et le niveau auquel nous sommes aujourd’hui est très satisfaisant. C’est le moment d’intéresser les investisseurs étrangers à ce qui se passe au Bénin. Les entreprises béninoises, les investisseurs béninois ont fait beaucoup d’efforts et nous avons pratiquement doublé notre PIB en peu de temps. C’est maintenant que nous commençons à observer que des intérêts se manifestent. Nous avons mis en place une zone économique spéciale dans laquelle, malheureusement, il n’y a pas encore beaucoup de Français mais beaucoup d’Asiatiques. Nous attendons qu’une fois encore l’Asie ne double pas la France sur ce terrain parce que, moi, j’ai un attachement particulier pour la France, je ne parle que Français. Je ne parle pas Anglais, je ne parle pas Chinois, je ne parle plus d’autres langues. C’est mon insuffisance mais je me sens bien quand je suis avec des Français. En plus, j’ai un patronyme qui ressemble aux vôtres. Je m’appelle TALON. Donc un attachement particulier, un peu émotionnel avec la France et j’attends que les entrepreneurs français viennent constater par eux-mêmes ce qu’il se passe et prennent le risque de venir faire quelque chose, aussi petit soit-il, pour commencer.

On comprend votre attachement à la France, on le salue et on l’apprécie. Mais est-ce qu’il y a de la concurrence. Est-ce que vous dites aux investisseurs qui sont intéressés d’investir au Bénin, dépêchez-vous parce qu’il y a d’autres qui n’attendent pas ?

Je l’ai dit au Président Macron quand il était à Cotonou, il y a environ un mois. Je lui ai dit que c’est maintenant qu’il faut venir et nous avons des raisons de le proclamer, d’insister dessus parce que nous avons fait les réformes qu’il faut pour mettre le pays au travail sérieusement. La justice fonctionne bien, beaucoup mieux que par le passé. Je dirais même très bien. La police, la sécurité. Et ce que nous avons fait aussi de remarquable, nous avons beaucoup assoupli la législation du travail. Je dirais même que nous avons dérégulé totalement l’environnement du travail et au Bénin vous pouvez employer quelqu’un avec des contrats à durée déterminée indéfiniment. On ne vous fera grief du tout d’employer quelqu’un 2, 3, 4 fois avec des contrats à durée déterminée. Nous disons que l’entreprise a besoin de travailleurs sérieux attachés à l’entreprise. Et on s’attache, en général, à celui qui vous donne satisfaction.

Je viens du secteur des entreprises. Je sais combien on peut faire des efforts pour augmenter, doubler les revenus d’un salarié quand il est bon. Donc ce n’est pas la loi qui fait la relation entre l’entrepreneur et son employé. C’est une erreur que commettent les Etats en général en essayant d’organiser, de réguler, de structurer la relation entre l’entreprise et les employés croyant que c’est une façon de rendre plus durable l’emploi. Ce n’est pas vrai ! Ça n’a pas été facile parce qu’il fallait convaincre les partenaires sociaux, convaincre les parlementaires mais cela a été fait, et nous avons une législation au Bénin qui n’a son pareil nulle part, en matière de souplesse dans la réglementation du travail.

Ça décrit, si je comprends bien, votre vision de l’action publique. Vous dites que, pour être respectée, elle doit efficace et se traduit par des réalisations qui soient à la fois concrètes et rapides. Vous l’avez dit, il y a beaucoup de choses qui ont été réalisées au Bénin depuis votre arrivée à la Présidence, mais est-ce que c’est pareil pour l’implication du secteur privé ?
Nous avons entrepris des réformes difficiles. Je donne un exemple. Quand vous vous attaquez aux acquis des travailleurs en matière de droit de grève, c’est quelque chose que j’évoque avec peine mais parfois avec fierté aussi, parce que nous avons réduit, au Bénin, le droit de grève. Je vais vous raconter en quelques minutes ce qu’il s’est passé et vous allez comprendre pourquoi car on nous fait souvent ce grief un peu dans le monde que « le régime actuel s’est attaqué aux acquis démocratiques. »

Quand je suis arrivé en 2016, nous avons eu une séance avec les partenaires sociaux au sujet des revendications des salariés du public et ils avaient des exigences démesurées. Et je leur ai dit : Regardez dans l’assiette, on n’a pas les moyens de satisfaire vos exigences. Le Bénin est un petit pays, nous collectons peu d’impôts. La pression fiscale est très faible par rapport au PIB. Je n’aime pas ce mot. Je préfère dire la contribution nationale fiscale. Elle est trop faible mais ils disent : on n’en a rien à faire, monsieur le Président, si vous ne faites pas, le pays sera paralysé. Je leur ai dit que je ne pense pas. A la fin de la séance, un des syndicalistes me dit : monsieur le Président, vous allez finir par céder. Je réponds : je veux bien ! dès que les moyens seront là, nous allons céder. Il me dit : NON. Quand il commencera par avoir des morts dans les hôpitaux, dans les maternités, monsieur le Président, vous allez céder. Je regarde et je dis : La séance est levée. C’était un lundi. Le mercredi, en Conseil des ministres, je dis aux membres du gouvernement : Je vais arrêter de tout faire. Les routes, les hôpitaux, on va mettre tout ça de côté. On va s’attaquer au problème syndical, au problème des grèves. Nous allons légiférer pour réorganiser le droit de grève parce qu’un pays qui n’a pas de ressources et dans lequel les quelques-uns, grande minorité mais utile veut s’accaparer de tout ce qu’il y a au détriment des investissements en matière de santé, d’écoles et de routes, d’énergie…, ce n’est pas admissible. Et effectivement, j’ai rencontré les parlementaires, je les ai convaincus et nous avons légiféré.

Désormais au Bénin, la grève est interdite dans les secteurs vitaux comme la santé, la police, les pompiers, tout ce qui concourt à la survie des concitoyens. C’est interdit ! Dans les autres secteurs, la grève est limitée à deux jours maximum par mois, et 10 jours par an. C’est vrai, c’est un recul par rapport aux acquis démocratiques, mais vous savez, moi, je n’ai pas l’ambition d’avoir une expression démocratique identique à la France. Je vois des gens qui sont choqués. Je vais vous dire pourquoi. Quand des pays comme la France, l’Italie, les Etats-Unis, pays construits, organisés, structurés où la plupart des fondamentaux sont acquis, l’expression démocratique peut flirter avec l’anarchie. Ce n’est pas grave. Ça ne compromet pas la survie du pays. Moi, j’ai vu ici les gilets jaunes. J’ai vu combien ils ont été agressifs, très forts dans leurs revendications. Cela caractérise la France désormais. Nous sommes dans un pays où les gens votent pour élire un Président, des parlementaires pour légiférer, pour exécuter le programme pour lequel les gens ont été élus, mais au même moment, chacun conteste à l’élu le droit d’agir tout seul tant que la loi qui est votée n’est pas conforme à son aspiration personnelle, il dit niet. Il conteste, il empêche. C’est de l’anarchie. Je ne vais pas donner de leçon aux Français. Je vais exprès de provoquer sur des sujets aussi sensibles juste pour que vous puissiez comprendre la problématique qui est la nôtre. Quand un pays est construit, on peut ne pas avoir un gouvernement pendant 6 mois comme ce fut le cas en Belgique. Ce n’est pas un problème. On peut contester tout ce qui se fait, le pays n’est pas véritablement paralysé.


Vous voulez dire que l’anarchie, la contestation sont des luxes…

Ce ne sont pas des luxes mais ce n’est pas préjudiciable à la survie d’un pays qui a déjà les fondamentaux mais quand on est un pays à construire, notamment un pays dans lequel tout est à reprendre, vous avez besoin d’avoir une règlementation forte, vous avez besoin que les gens respectent la loi, soient disciplinés et ne pas souhaiter que l’expression démocratique qui doit s’exprimer ne soit pas pareille que dans les pays développés. C’est pour ça que le droit de grève tel que nous l’avons réformé au Bénin, on ne peut pas le faire en France parce que ce ne serait pas acceptable mais au Bénin, c’était devenu une importance vitale, primordiale sinon ce pays restera éternellement dans la pauvreté. Nous avons besoin de faire les efforts que vos parents, vos ancêtres ont fait, il y a quelques décennies, quelques siècles. La France a été construite par les efforts soutenus de vos ancêtres, ce qui fait qu’aujourd’hui, vous avez quelque chose à partager et qui fait que vous avez besoin d’un système plus équilibré pour avoir un partage équilibré des choses. Mais dans nos pays on n’a encore rien fait du tout ! C’est maintenant que les Africains ont besoin de construire leurs pays pour les générations à venir. Ce qui permettra aux autres de demain d’être plus exigeants parce que les efforts ont été faits maintenant. Il faut le temps des efforts. C’est pour cela que je voudrais dire à tout le monde que le Bénin est dans cette phase. Et ce que je dis est largement partagé par les Béninois. Et je peux, avec beaucoup de plaisir, vous dire que c’est un autre pays, le Bénin ; et que ce pays a déjà les faveurs des investisseurs. Tous ceux qui viennent voir de près ce qui s’y passe, n’hésitent pas à faire l’investissement, à commencer à faire quelque chose au Bénin.

Merci beaucoup, monsieur le Président. Merci Patrice Talon d’être venu aujourd’hui parler avec autant de liberté, avec autant de transparence de votre pays. Merci

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