(Les députés prêts à défier leur leader une première fois)
Hier matin, un ami m’appelle et me prie de le rejoindre chez lui à Akpakpa Dodomey. Contrairement à mon heure de réveil, midi, j’ai sauté dans ma petite voiture pensant flairer une opportunité pour payer mes collaborateurs. C’est la fin du mois. Cette période où les patrons commencent par parler seuls au volant.
Arrivé sur les lieux, je trouve dans son salon quatre députés bien connus de moi. Deux du Bloc républicain et les deux autres du parti de Joseph Djogbénou.
Ils ont dit m’avoir choisi pour porter ce qu’ils ne peuvent pas dire devant leurs patrons, le président Talon et ses deux amis, Abdoulaye Bio Tchané et Joseph Djogbénou. Quand on veut dire quelque chose à un sourd, c’est à son enfant qu’on le confie.
Ils ne sont pas d’accord avec le projet de révision de la constitution en cours. Ils n’ont rien contre le texte et ne s’en préoccupent même pas. Ni la tête du collègue Assan Seibou encore moins celles des deux présidents ne les gênent. Leur problème : le traitement dont ils ont été l’objet depuis 2016 quand le président Talon a pris le pouvoir.
DES PROMESSES NON TENUES
Le parlement monocolore dont tous les Béninois nous ont affublés, n’a jamais été à notre profit. Nous avions fait confiance à un homme. Nous lui avons tout concédé jusqu’à même voter des lois contre notre propre existence en limitant même le nombre de notre mandat.
En contrepartie, il ne nous a rien concédé des nombreuses promesses faites à la classe politique dont nous sommes les représentants.
Il nous avait promis en 2021 quand il devait revenir, d’apporter une fois réélu, un peu plus d’attention à notre endroit : remanier totalement son gouvernement pour nous permettre d’y figurer ou tout au moins avoir des hommes et femmes que nous allions proposer. Idem pour nos compères élus municipaux.
À leur grand étonnement, c’est par une réforme bizarre des SE qu’il les a remerciés. Une réforme bidon qui a étalé toutes ses limites. Le but de cette trouvaille étant juste de fragiliser les maires et de les ridiculiser aux yeux de leurs mandants. Les résultats sont là, cette réforme est une catastrophe.
Quant à nous autres députés à qui il avait promis une renaissance politique, non seulement il n’a remanié aucun gouvernement, mais aussi il nous a humiliés en nous réunissant devant ses ministres pour nous dire son option de ne pouvoir changer une équipe qui gagne.
Et comme nous humilier était sa priorité, il a ajouté que ça fait les colis de ceux d’entre nous qui espèrent quelque chose.
On était là quand Aurélien Agbénonchi, Séverin Quenum et Oswald Homeky sont partis. En lieu et place de ces hommes, et comme pour tenir à sa parole, c’est messieurs Shegun Adjadi Bakari, Yvon Détchénou et Benoît Dato qu’il invite. Nous partis politiques ne comptons pas d’intellectuels de leur trempe pour occuper lesdits postes. Et comme avec le président Talon, aucun malheur ne vient jamais seul, aucun membre de la classe politique, ne peut proposer un Dg, un cadre dans l’appareil de gestion. C’est à croire que nous sommes vraiment dangereux pour ce pays.
DU NON DE RAISON
Aujourd’hui, il se fend d’un projet de révision de la constitution qu’on confie au pauvre Assan Seibou pour le porter sous la forme d’une proposition. C’est Dieu qui fait notre combat. Sinon le président de la république après tout ce qu’il nous a fait endurer, ne devrait jamais rêver de compter un jour sur nous pour aider à réajuster les choses dans le meilleur des mondes, ou faire perdurer son séjour à la Marina.
Personne d’entre nous, n’est prêt à consentir à ce schéma. Et les menaces dont nous avons été, tour à tour l’objet, députés Up le Renouveau et du Bloc républicain, n’a fait que nous remonter et durcir notre position à la désobéissance.
À la question de leur crainte sur leur non-positionnement sur les listes en 2026, mes hôtes disent ne rien craindre. Ils seront même prêts à aller sur des listes de l’opposition s’il tient à les jouer méchants. Ils n’ont plus peur de rien. Même pas de l’alternance en 2026. Il faut bien être détenteur d’un privilège que l’on va craindre de perdre à l’arrivée au pouvoir des opposants au régime en place.
DE LA CONDITION SINE QUA NUN POUR UN VOTE
Selon eux, si le président veut rêver d’un vote relatif à cette proposition, il va falloir qu’il change. Qu’il remanie très vite son gouvernement et donne le sourire à ses députés. Les choses doivent maintenant changer. Le président Talon devrait comprendre qu’au fil des jours,, c’est son armure de toute puissance qui se fragilise. Le Patrice Talon d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui. Et celui d’aujourd’hui sera moins fort que celui des jours à venir.
S’il s’entête à passer sa proposition au vote, ce sera une grosse honte. La première qu’il va boire jusqu’à la lie. Car, aucun député LD n’osera se prononcer en sa faveur dans un vote à main levée. Et dans le cas d’un vote à bulletin secret, même s’il s’arrange pour négocier des députés de l’opposition, la grande surprise viendra des députés de son propre camp. Il sera surpris. Sauf s’il change son mode de gestion du personnel politique. Nous sommes prêts aujourd’hui à tout perdre pour vivre dignement dans notre misère, ont-ils conclu, avant de souhaiter que je puisse bien restituer leur pensée.
Aboubakar TAKOU