(Pour une fois, Patrice Talon obligé de suivre les producteurs dans leurs caprices)
Le président Talon est un génie de l’économie. Il sait tout prévoir pour quelqu’un qui a toujours, en bon amateur du Fâ (il est du côté maman, un Guèdégbé), une longueur d’avance sur tous les autres.
Mais ses Bokonons n’ont pas vu venir la malédiction soja. Cette céréale oléagineuse est là, tombée comme un cheveu dans la soupe pour tuer son business, le coton ou évoluer avec lui si le président Talon se montre coopératif et intelligent. Car du soja, il faut retenir ceci : cette céréale oléagineuse contrairement au coton très budgétivore en intrants qui demande plus d’une dizaine de traitements, n’en a besoin que d’à peine deux. L’engrais azoté n’est pas sa chose. Il est l’azote. Il peut enrichir par ses feuilles qui sont des gisements d’azote, le sol qui l’abrite pour donner de bons rendements à d’autres cultures successeures.
Ne parlons pas de sa demande à l’international. Avec les fortes critiques qui bannissent la farine du poisson dans la fabrication des provendes animales, le soja est devenu pour ses 30% d’implication dans la composition de ces produits, une denrée rare et très prisée. Le Bénin ayant par un coup de chance, le meilleur soja, rien que la ferme de l’ancien président nigérien Olusegun Obasanjo peut consommer toute la production béninoise en soja. C’est dire combien ce produit est demandé simplement au Nigeria voisin avant qu’on ne parle de la Chine, l’Inde et des pays occidentaux. Le soja est ainsi, de loin plus recherché que le coton. Et sa culture est trois fois plus rentable pour les producteurs que le coton. D’où la faiblesse des contonculteurs à vouloir migrer tous vers le soja au détriment du coton dont le président Talon reste la lumière dans la sous-région.
Patrice Talon étant actuellement président de la République du Bénin et par conséquent décideur plénipotentiaire du pays, son instinct d’homme et d’homme d’affaires ne pouvait que le pousser à ce parti pris pour le coton au détriment du tsunami soja.
Tout le monde aurait la même réaction à sa place. Et c’est là qu’intervient malheureusement la couardise ou l’hypocrisie de son ministre de l’agriculture, Gaston Dossouhoui. C’est à lui, le technicien de la question, d’expliquer au chef de l’État l’impossibilité de lutter contre le soja à l’étape actuelle de sa dictature sur les autres produits.
La meilleure façon de tenter de conjurer la malédiction soja pour Patrice Talon, loin de déclarer la guerre à ce produit, est de trouver les moyens de négocier avec les contonculteurs, sa production aux côtés du coton.
Par exemple, pour un hectare de soja cultivé, le producteur devra s’engager à produire la même superficie ou plus, du coton. Voilà ce qui pourra sauver le coton du soja qui menace de coloniser toutes les superficies à emblaver au cours des campagnes à venir.
Dès lors, que le président Talon le veuille ou pas, il devra se convertir en magna du soja. Car, face à cette céréale, les jours du coton sont malheureusement comptés au Bénin. Dossouhoui a donc une confession à faire à son patron pour l’éclairer au lieu de jouer le mauvais fermier gouvernemental.
Aboubakar TAKOU