S’il y a un corps à qui le président Patrice Talon a fait du mal en surface, fouetté dans sa bourse au profit de la Nation, c’est bien la classe politique. La seule chose qu’il leur a faite de bien mais qui apparaît elle aussi comme un comprimé de nivaquine dans la bouche, contre ce paludisme chronique du désordre dans leur rang, c’est l’avènement du système partisan. Cela fait grincer les dents aujourd’hui mais il reste la seule alternative pour donner son pouvoir et ses chances à la classe politique de s’affirmer désormais. Finis les accidents de parcours, l’élection à la tête du pays d’allogènes ou de nouveaux venus. Aujourd’hui. les partis politiques ont les coudées franches pour s’adjuger le pouvoir d’État contre tous les autres prétendants au Graal.
C’est à cette seule fondation que le président Talon a consacré son magistère au profit de la classe politique. Chose curieuse, le leader de la majorité présidentielle est resté encore droit sur ses talons quand ces élus locaux ont ramené dans les discussions qui ont meublé ce séminaire historique avec l’Exécutif, la nébuleuse des Secrétaires Exécutifs (SE). Ils ont demandé d’avoir au moins la chance de choisir leur SE. Mais le président Talon a encore dit non. Ceci risque de trahir l’esprit de développement qui sous-tend cet idéal, ô combien difficile pour les politiques de voir leur budget détenu par ces jeunes cadres.
Grosso modo, c’est à ces élus, crème par excellence de la classe politique nationale et représentants privilégiés des populations pour être les plus en contact avec la base, que le président Talon a fait ce grand tort au nom du simple mais très important terme : Développement.
Tout le monde devrait s’attendre à ce que ceux-ci exultent à l’annonce du départ du pouvoir du président puisque c’est bien à eux, cette classe politique, qu’il a réservé la primeur de la solennité de ce départ.
Mais ce fut le contraire. Comme des gens qui ont bu à la cafétéria de la Résilience nationale, ils ont tous rouspété. Un bruit diffus de « Non ! » Comme si le président Talon n’était plus à la fin de son deuxième mandat constitutionnel. C’est par crainte de sa capacité à remonter les bretelles à ses amis que certains n’ont pas osé endosser la responsabilité de lui dire devant tous : « Monsieur le président, vous n’irez nulle part ! Le chantier n’est pas terminé. »
Voilà le paradoxe. Que retenir de ce sentiment des gens à qui le président Talon a tout pris, à l’annonce officielle de son départ en 2026 ? Est-ce à dire que ces Béninois ont laissé transparaître le ressenti de leurs administrés sans le savoir ? L’un ou l’autre, le président Talon vient de réaliser son coup : réussir à atteindre le cœur des Béninois qu’il a conduits parfois contre leur gré au banquet du développement. Cette déclaration du président Talon « le développement est très facile. Il faut juste un peu de temps » à ce séminaire, a réellement fait écho. Le président Talon a invité ses compatriotes à la Résilience pour les conduire à une autre étape du développement et il a réussi. Il sera vraiment célébré à son départ. Mais pas comme il l’avait prévenu. C’est peut-être les larmes aux yeux que ses compatriotes vont le voir partir. Ils n’auront plus la tête à la célébration. Quand cela se dessine comme ça, il devient un problème de cœur au dernier moment.
Aboubakar TAKOU