Dans presque tous les pays, des efforts sont consentis pour donner à la science, notamment à la médecine, sa place légitime dans l’élaboration de politiques sanitaires responsables. Pendant ce temps, certains individus, motivés par la simple survie économique, s’organisent pour saboter ces initiatives.
Au Bénin, l’organe de régulation des médias a officialisé l’interdiction de toute publicité pour des médicaments et traitements proposés par des personnes non qualifiées. Ainsi, les charlatans qui opéraient hier sous le couvert de tradipraticiens, de dignitaires religieux ou de pasteurs n’ont plus accès aux médias autorisés par l’État. Toutefois, ces mesures s’avèrent peu efficaces face à la nouvelle forme de charlatanisme. Contraints par la fermeté des institutions, ces acteurs ont adopté une autre stratégie : les réseaux sociaux.
Grâce à des applications gratuites, ils redoublent d’ardeur dans l’art de la manipulation. Leur méthode, d’une simplicité déconcertante, séduit pourtant. Lassées par les cotisations et dépenses exigées par les églises, les victimes se tournent désormais vers leur smartphone pour chercher le salut. Pour soigner un paludisme, le SIDA, un cancer, ou résoudre des problèmes de stérilité, inutile de se rendre à l’hôpital : il suffit de se connecter à un messie virtuel, de poser sa main sur la zone affectée, de prier avec foi et d’attendre le miracle. « S’il ne se produit pas aujourd’hui, il adviendra demain », leur assure-t-on. Cette pratique, qui promet des remèdes illusoires ou non éprouvés, n’est autre qu’une forme modernisée de charlatanisme.
Le témoignage, outil de promotion
Pour pérenniser cette escroquerie, le témoignage fictif s’impose comme arme absolue. Des individus, probablement complices ou bénéficiaires du système, racontent comment ils ont vaincu un cancer ou le VIH/SIDA grâce à des prières en ligne. Des femmes stériles depuis des années tomberaient enceintes après la ménopause, simplement en posant leurs mains sur leur ventre. L’objectif ? Attirer des abonnés pour monétiser comptes et applications. Ces récits, souvent plus longs que les prières elles-mêmes, glorifient le créateur de la plateforme et incitent les indécis à télécharger l’application, le tout sous couvert d’une présence divine.
Il est urgent d’agir
Le phénomène, comme on peut le constater, est dévastateur. Aujourd’hui, des populations meurent de pathologies simples comme le paludisme, faute de soins, ayant préféré croire aux illusions vendues en ligne. Des infections banales, soignables par antibiotiques, dégénèrent en stérilité parce que des malades ont passé des années à prier plutôt qu’à consulter. Si rien n’est fait, le danger s’amplifiera en cas de nouvelle pandémie, comme avec la Covid-19. Intoxiqués par une croyance qui nie l’efficacité de la médecine, ces adeptes deviendront des vecteurs de propagation massive, menaçant la société entière.
La liberté religieuse est un droit, mais face à l’urgence, les dirigeants doivent imaginer des mesures contraignantes pour limiter la promotion du charlatanisme sur les réseaux sociaux. La santé publique ne peut être sacrifiée sur l’autel de l’obscurantisme.
Laurent YOVO