L’état de la démocratie au Bénin et le contenu du second mandat du Président Patrice TALON annoncé comme hautement social, ce sont les deux sujets sur lesquels le député de la 8ème circonscription électorale, l’honorable Rachidi GBADAMASSI, s’est prononcé.
Pour le député balayant les différentes critiques de l’opposition, « Il ne suffit pas de changer de Chef d’Etat tous les dix (10) ans pour croire que tout va bien. A l’intérieur, grand-chose n’allait pas bien et nous en étions tous conscient. Aucun diagnostic sérieux ne vous dira que la démocratie, telle que nous la pratiquions était l’idéal pouvait donc servir de serve nourricière à l’activation du triangle Démocratie – Economie – Développement. Nous avons passé tout le temps à nous mentir sur des choses importantes à connotation grave. » Il s’est par la suite prononcé sur le mandat du président Talon en détaillant ce qu’il convient de comprendre ce qui est fait socialement pour les populations. « . C’est tout ce qui est fait pour servir le peuple sans un bénéfice en retour si ce n’est le bien-être des acteurs bénéficiaires. Quand on fait du social, on ne s’attend à aucun gain particulier, pas surtout à un gain pécuniaire. Une vraie politique sociale normalement est : sociale et non politique, générale et impersonnelle et gratuite ou à coût très réduit. » A-t-il déclaré. Lire ci-dessus l’intégralité de cette interview de l’honorable Rachidi GBADAMASSI accordée à la presse nationale.
Journaliste : bonjour honorable, dans cette interview, nous allons aborder aujourd’hui deux (02) grands sujets : i) l’état de la démocratie au Bénin et ii) le contenu du second mandat du Président Patrice TALON qu’il a déclaré hautement social. Si vous êtes prêt, nous pouvons y aller ?
Honorable GBADAMASSI : je vous remercie pour l’intérêt que vous portez pour le bien-être des citoyennes et citoyens de ce pays. Le fait de discuter des deux (02) sujets que vous avez annoncés est déjà la preuve qu’en tant que Béninois, vous êtes préoccupé par le développement de notre pays. Et parlant d’actualité, je crois que vous avez trouvé juste en suggérant ces deux sujets à discuter. Un homme politique est toujours prêt pour débattre du développement de son pays. Je suis donc prêt comme toujours depuis près de 20 ans que je sers mon peuple.
Merci beaucoup honorable ! Nous venons de finir l’élection présidentielle du 11 avril 2021. Nous avons réélu Patrice TALON pour un second mandat. Il a été investi à ce titre. Depuis lors et même avant sa réélection, il a y eu beaucoup de critiques acerbes comme quoi il a saccagé la démocratie béninoise qui se portait bien avant sa première élection en 2016. Qu’en dites-vous honorable ?
Vous commencez par le bout difficile. Je vais respecter alors votre démarche. D’abord qui vous a dit que la démocratie béninoise se portait très bien avant l’élection du Président TALON en 2016 ? Non, je vous en prie soyons justes. Pour qui nous observe depuis 1991, trois (03) aspects fonctionnent très bien dans la démocratie béninoise : 1) le maintien de la constitution du 11 décembre 1990 que nous peinons à respecter à tous points de vue en dépit de ses imperfections, 2) l’organisation d’élections régulières à bonne date même si ce n’est pas toujours le cas, en témoigne les élections municipales, communales et locales sous le régime précédent et 3) l’alternance au pouvoir tel que le peuple l’aurait souhaité, surtout en ce qui concerne le président de la République. Sur les autres points, nous nous cherchions vaguement avec des hauts et des bas.
De quels autres points parlez-vous alors ?
Si vous êtes Béninois résident au Bénin, vous le savez très bien puisque cela relève d’une évidence. Il s’agit notamment de la corruption ambiante, de la gabegie des biens et ressources de l’Etat, de la propagande politique, du foisonnement à outrance des partis politiques dont la plupart ne servait à rien, du mal-être des secteurs vitaux de l’économie nationale et du social, du marasme économique, du grimpement du taux d’endettement du Bénin, faiblesse de l’autorité de l’Etat, de la vassalisation et de la caporalisation des institutions de la République, du sous-développement chronique, etc. La réalité est que nous avons une démocratie de façade. Il ne suffit pas de changer de Chef d’Etat tous les dix (10) pour croire que tout va bien. A l’intérieur, grand-chose n’allait pas bien et nous en étions tous conscient. Aucun diagnostic sérieux ne vous dira que la démocratie, telle que nous la pratiquions était l’idéal pouvait donc servir de serve nourricière à l’activation du triangle Démocratie – Economie – Développement. Nous avons passé tout le temps à nous mentir sur des choses importantes à connotation grave.
Dans ce cas, pour vous, qu’est-ce que c’est que la démocratie dans le fond ?
Je ne vais pas entrer dans des considérations livresques et universitaires. Nous ne sommes pas dans une agora ici. Si la démocratie, comme l’a dit Périclès est « le gouvernement du peuple, par le peuple, avec le peuple et pour le peuple », cela suppose que chaque peuple a ses exigences. Donc la démocratie ne saurait être une univocité de voies ou de démarches en termes de gestion d’un Etat. Ce qui est important, en démocratie, est que le peuple est la Paix et le Pain. Que l’Etat soit bien gouverné pour le bien de tous, à mon avis, doit être la quête première de toute démocratie. Je crois que toute la théorie de Rousseau devrait se ramener à cela et non à se borner sur de micro-indicateurs qui ne renseigne sur rien de fondamental, croyez-moi !
Mais honorable, si vous dites que la démocratie ne doit pas être la même chose partout et qu’elle doit se faire selon les peuples cela signifie alors qu’il a une différence entre les démocraties ? Laquelle alors ?
Votre questionnement me fait sourire parce que j’ai l’impression que vous posez une question oratoire. Parlant de démocratie, on utilise quelques adjectifs pour la qualifier traditionnellement tels que « ancienne », « rétablie », « nouvelle », « forte », « faible », « participative », « populaire », « locale”, etc. Cela signifie déjà qu’il faut accepter qu’il y a plusieurs sortes de démocraties. Vous savez une démocratie occidentale peut comprendre qu’on gifle un Chef d’Etat en fonction pour n’écoper au finish que de quatre (04) mois de prison, tandis que sous les tropiques, ce serait un crime de grande portée dont la commission ne traverserait jamais l’esprit de l’opposant le plus virulent. Maintenant, je vous invite à visiter quelques réalités croisées.
Lesquelles par exemples ?
La constitution Allemande ne limite pas le nombre de mandats du patron de l’exécutif qu’est le Chancelier. La belle preuve, Angela MERKEL en a fait 4 mandats (2005 – 2021) tout comme Helmut KOHL (1982 – 1998).
Les Américains vont aux urnes pour élire les grands électeurs et non le Président de la République. Le suffrage est donc indirect et dépendant des grands électeurs. Le peuple est donc fait de petits électeurs. Le scrutin est toujours à un seul tour.
La Chine n’a qu’un seul parti politique qui est le Parti Communiste Chinois (PCC). En théorie, le président chinois est élu au suffrage universel indirect tous les cinq (05) ans renouvelables sans limite par les députés de l’Assemblée Nationale Populaire. Mais, dans la réalité, il est désigné par les dirigeants du PCC, qui donne des ordres aux députés. Très souvent, on connaît déjà son nom. Il fait partie du bureau politique du Parti communiste chinois. Il n’y a pas encore eu d’exception depuis 1993 et la présidence de Jiang Zemin, le président cumule traditionnellement son poste avec celui de Secrétaire Général du Parti Communiste chinois.
Au Royaume Uni du Grand Bretagne, le peuple va aux urnes pour élire les parlementaires qui élisent le Premier Ministre qui est le patron de l’exécutif. Je rappelle que la Royauté existe toujours et qu’elle n’est pas que symbolique. La Reine d’Angleterre n’est pas n’importe qui dans le monde entier.
En France, c’est plus ouvert. Le scrutin peut être à deux tours comme très souvent. Le citoyen va aux urnes pour élire le Président de la République. Toutefois, il n’y a pas de limitation de mandats. Il n’y a que de limitation de fait. Le régime est semi-présidentiel théoriquement ; dans la pratique c’est un régime présidentiel.
Je ne vais pas passer mon temps pour vous parler de la Russie qui est l’une des rares démocraties au monde à pratiquer le septennat renouvelable pour le Chef de l’Etat. Le Président POUTINE est au pouvoir depuis 1999.
Si vous m’avez bien suivi à partir de l’exemple de ces grandes puissances du monde où chacun est ce qu’il est, vous ne pouvez que conclure que qu’il n’y a pas une démocratie, il n’y a que des démocraties. Chacun devrait s’évertuer à faire marcher sa démocratie selon les réalités propres à son pays. Nulle part au monde, il n’existe des maîtres de la démocratie chez qui il faut aller se faire former. Je ne cache pas du tout ma vue sur cette question : les Africains devraient faire la démocratie à l’Africaine. Nous devons respecter nos croyances, nos cultures, nos valeurs endogènes, notre sociologie, notre anthropologie dans la voie démocratique que nous avons choisie. Ceux qui s’érigent en donneurs de leçons devraient d’abord s’occuper de leurs cas propres et faire marcher leurs démocraties qui sont aussi en proie à d’énormes soubresauts.
Tout ce qui s’est passé lors de l’élection du Président Joe BIDEN est la preuve que, sous ce soleil, rien n’est bâti de façon sempiternelle. Qui pouvait imaginer que la Première Puissance du monde pouvait offrir à l’humanité un spectacle aussi hideux. Tout est en pleine évolution et en plein mouvement. Et c’est cela qui fait la vie, le perpétuel recommencement. Nous tous sommes soumis à cela. Pour bâtir une nation, il faut mettre du temps. Il faut faire des propositions et non être experts en destruction. Paris ne s’est pas fait en un seul jour !
Votre point de vue est très clair. C’est compris. Que dire alors du contenu du mandat social selon vous ?
Nous tous connaissons bien ce qui est mis dans le social. C’est tout ce qui est fait pour servir le peuple sans un bénéfice en retour si ce n’est le bien-être des acteurs bénéficiaires. Quand on fait du social, on ne s’attend à aucun gain particulier, pas surtout à un gain pécuniaire. Une vraie politique sociale normalement est : sociale et non politique, générale et impersonnelle et gratuite ou à coût très réduit.
Si cela est entendu, alors j’attire votre attention sur les points nodaux traditionnels d’une politique sociale dans tout pays. Ce sont :
- les soins de santé gratuits ou à bas prix pour tous
- l’éducation gratuite ou à très bas prix pour tous
- le développement des cantines scolaires
- la subvention / distribution des denrées alimentaires
- le microcrédit aux plus pauvres entreprenants
- les filets sociaux aux plus vulnérables (transfert d’argent, don de médicaments, don de vêtements, distribution de repas chaud)
- protection des groupes sociaux minoritaires (GSM)
- l’eau potable et l’électrification à prix réduit
- le travail, l’emploi et la formation professionnelle
- l’appui aux groupes organisés (artistes et artisans)
- le développement de nouvelles filières d’activités en vue de sortir les zémidjans et la très basse classe des occupations et activités très nuisibles
- la subvention du téléphone et de l’internet
- Etc.
Alors, il n’y aura pas une augmentation de salaire pour les travailleurs ?
Je ne saurais le dire. Mais tel que je connais le Président Talon, ceux qui s’attendent à ce que l’on déverse de l’argent frais dans le pays à grand renfort de propagande médiatique pour des fins politiques seront déçus. Rien ne sera comme avant.
Donc la redistribution ne tiendra pas compte des minorités alors ?
Et tout ce que j’ai cité avant ? Gaspiller les ressources de l’Etat dans l’action politique non organisée, c’est de la redistribution ça ? Depuis 2017, nous avons toujours eu des budgets qui renforcent la protection sociale, la solidarité nationale, la protection des plus faibles, l’autonomisation des femmes à travers le renforcement des projets de microfinance et surtout le renforcement des initiatives des handicapés actifs qui sont dans l’artisanat et la petite transformation. C’est ça le social. N’allez pas chercher ailleurs !
Honorable Rachidi GBADAMASSI, votre dernier mot pour conclure cette interview ?
Je voudrais finir en martelant que la démocratie est une route et non une destination. Rousseau même l’a dit quand on la magnifiait sans fin qu’un gouvernement aussi parfait ne saurait appartenir à des humains. Nous nous comparons trop souvent à ceux qui ont édifié leurs nations des siècles avant nous et travaillent sans cesse pour son maintien et la croissance.
Pour que le rêve féconde la réalité, il y a un travail à faire. Pour y arriver, chacun a une partition à jouer puisqu’il s’agit d’un orchestre. Le mandat social, à mon avis, consiste à donner à notre pays l’opportunité de poursuivre les réformes engagées depuis 2016 et d’aller plus loin en agissant pour la transformation complète du Bénin qui doit être révélé davantage. C’est notre vœu à nous tous et tel est aussi l’aspiration majeure du peuple. Donnons donc au Gouvernement légitime et souverain l’appui et l’impulsion qu’il faut pour qu’il révèle davantage le Bénin au monde entier !
Je vous remercie !