- »Le Congo est gravement malade' », dit-il.
L’ancien président Joseph Kabila, silencieux depuis des années sur les questions socio-politiques, a rompu son mutisme dans un discours poignant de quarante minutes, diffusé 24 heures après la levée de son immunité parlementaire. Cette décision judiciaire ouvre la voie à une procédure pour « trahison », un contexte qui donne une résonance particulière à ses déclarations.
Un retour marqué par l’urgence
Traits tirés, crâne rasé et moustache grisonnante, Joseph Kabila a adopté un ton solennel pour alerter sur l’état de la nation congolaise. « Le Congo est gravement malade, et son pronostic vital est engagé », a-t-il affirmé, dépeignant un pays en crise multiforme sous le régime de son successeur, Félix Tshisekedi. Il accuse ce dernier d’avoir dilapidé l’héritage de la première alternance démocratique pacifique du pays en 2019, évoquant une « kivresse du pouvoir sans limite », un « effondrement des institutions » et une « dérive dictatoriale ».
Un bilan accablant pour Tshisekedi
Kabila a dressé un tableau sombre des six années de présidence de Tshisekedi, soulignant des violations constitutionnelles, la perte de contrôle territorial face aux groupes armés, et une fracture sociale grandissante. « J’ai gardé le silence malgré les humiliations et les provocations, mais aujourd’hui, l’enjeu est existentiel », a-t-il justifié, se présentant en patriote contraint de rompre sa réserve pour sauver la nation.
Une feuille de route en 12 points
Face à cette crise, l’ancien chef de l’État propose un plan ambitieux articulé autour de douze axes prioritaires :
- Arrêt immédiat des conflits armés et rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire.
- Restauration des fondamentaux de l’État de droit et de la démocratie.
- Réconciliation nationale et reconstruction de la cohésion sociale.
- Lutte contre la corruption et gestion transparente des ressources.
- Respect strict de la Constitution de 2006, texte qu’il considère comme pilier de la stabilité.
Ce programme vise à « refonder l’État » et à redonner des repères à un pays qu’il estime « égaré ».
Un appel à l’union sacrée
Kabila a conclu son discours en lançant un vibrant appel au peuple congolais, exhortant tous les citoyens « qui aiment passionnément le Congo » à s’unir autour du «pacte républicain de Sun City » – référence à l’accord de paix de 2002 ayant mis fin à une décennie de guerres. « Le moment est venu de choisir entre le chaos et la renaissance », a-t-il insisté, sans toutefois préciser son rôle futur dans cette mobilisation.
Démenti et prochaines étapes
Par ailleurs, Kabila a démenti les rumeurs le plaçant à Goma durant le week-end pascal, tout en annonçant une visite prochaine dans cette ville symbole des défis sécuritaires de l’Est. Une déclaration qui alimente les spéculations sur un retour actif en politique.
Ce discours, perçu comme une déclaration de guerre politique par certains analystes, risque d’enflammer les tensions entre partisans de Kabila et le camp présidentiel. Alors que la RDC traverse une période critique sur les plans sécuritaire (avec la résurgence des groupes armés) et économique, la sortie de l’ancien président relance le débat sur l’avenir d’une nation en quête de stabilité.
Au total, Joseph Kabila, en stratège aguerri, reprend le devant de la scène en se posant en sauveur d’une nation en péril. Reste à savoir si ce plaidoyer trouvera un écho dans une population divisée, et si les accusations contre Tshisekedi mèneront à un réel changement – ou à une nouvelle page de turbulences.